Je dédie aujourd’hui ce blogue au professeur
Clapin-Pépin… Je vous encourage à consulter sa page Facebook où vous
retrouverez une mine d’information : Daniel Clapin-Pépin (Sur
Facebook) . Ça va faire changement de votre quotidien préféré : Le journal
de Montréal !!!
Photos du jour de Robin Schwartz
Citations du jour
Le
pire des analphabètes, c’est l’analphabète politique. Il n’écoute pas, ne parle
pas, ne participe pas aux événements politiques. Il ne sait pas que le coût de
la vie, le prix de haricots et du poisson, le prix de la farine, le loyer, le
prix des souliers et des médicaments dépendent des décisions politiques.
L’analphabète politique est si bête qu’il s’enorgueillit et gonfle la poitrine
pour dire
qu’il déteste la politique. Il ne sait pas, l’imbécile, que c’est son ignorance
politique qui produit la prostituée, l’enfant de la rue, le voleur, le pire de
tous les bandits et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui
lèche les pieds des entreprises nationales et multinationales.
Bertolt
Brecht
Se méfier des
penseurs dont l'esprit ne fonctionne qu'à partir d'une citation.
Cioran
L'histoire d'une
vie quelle qu'elle soit, est l'histoire d'un échec.
Jean-Paul Sartre
Faute de but,
l'homme devient une cible.
Ylipe
Notre
personnalité sociale est une création de la pensée des autres.
Marcel
Proust
Ce qui crée le
sentiment de soi, c'est essentiellement la manière dont nos souvenirs construisent
notre identité.
Boris Cyrulnik
Les dictons sont
la bible des concierges
Marc Doré
On accorde à
l'écrivain, un crédit d'intelligence et de sagesse dont seul le grand médecin
peut se prévaloir.
Bernard Pivot
L'homme qui
traverse la rivière ne doit pas se moquer de celui qui se noie.
Proverbe sénégalais
L'univers est
une machine à faire de la conscience.
Hubert Reeves
[…] Pour moi, la science est une aspiration de
l’esprit humain qui cherche l’unité sous le chaos de la nature, comme un
écrivain la cherche dans la variété de la nature humaine.
Jacob Bronowski
Vidéos du jour
Vidéo sur
une réalité qui me préoccupe mais qui ne constitue sûrement pas un enjeu pour
les élus américains.
Soyons
solidaires des Pussy Riot.
Le délit, les
faits, le jugement : 2 ans en
colonies plénipotentiaires.
Une prestation
des Pussy Riot…
Kasparov qui
vient en aide aux Pussy Riot…
Soyons de la
contestation…
Un renard roux
sur le Mont-Royal
L’actualité pertinente
À
l'imagination de ma génération, il n'aura répondu que par la répression et le
mépris. Devant une mobilisation généreuse et fondée sur des principes, il
n'aura répondu que par des attaques personnelles et dégradantes. Depuis le
début de notre grève, il n'a reculé devant aucun moyen pour nous briser, autant
comme mouvement que comme personnes. La loi spéciale et la brutalité policière
se sont doublées d'atteinte à la réputation, de filatures, de déni du droit
d'expression, d'interrogatoires injustifiés par la police, d'attaques nominales
à l'Assemblée nationale, de sous-entendus constants que notre organisation
était à la frontière du terrorisme: tous les coups ont semblé permis,
qu'importent les effets sur la jeunesse.
Gabriel
Nadeau-Dubois
Les propos de M. Charest soulèvent aussi la question du
vote stratégique. Un électeur qui ne souhaite pas la victoire du Parti
québécois devrait-il cocher libéral ou CAQ? Le chef du PLQ affirme que si cet électeur vote Legault, il
aidera le PQ au lieu de lui nuire. Ce raisonnement ne tient pas. Chose sûre, si
la Coalition n'existait pas, l'avance des péquistes dans les sondages serait
bien plus forte, les mécontents du gouvernement actuel n'ayant pas d'autre
solution de rechange.
André Pratte
M. Charest a été là pendant de
longues années. Aujourd'hui, on regarde l'état de nos infrastructures, on
regarde l'argent dépensé et les questions de gouvernance, on regarde les
défusions sur l'île de Montréal, on regarde les émeutes des
étudiants...Qu'est-ce qu'il a fait de bon?
Stephen Jarislowsky
On vise le même objectif que Marc Bellemare, faire en
sorte qu’on se débarrasse du gouvernement de M. Charest, un mauvais
gouvernement qui a laissé la corruption s’infiltrer dans nos institutions. Marc
Bellemare et nous, même combat à cet égard
Pauline Marois
Jean Lapierre, ce bon vieux père Ovide,
spécialiste des ragots de perrons d’église, a bien sûr des antennes partout, puisqu’il
a beaucoup collectionné les cartes de partis politiques. Cette semaine, mon
cher confrère s’est permis de croire que Pauline Marois a cédé devant le «
noyau dur » du PQ−Montréal-Centre… J’ai plutôt l’impression que notre père
Ovide a mal avalé son noyau qui lui est resté collé dans la gorge tellement sa
voix se perche haut quand il minimise
l’anglicisation qui dénature la vie
montréalaise.
En Irlande, on commence à réintroduire le gaélique dans
la fonction publique. En Israël, pour se donner une langue commune, on a
carrément ressuscité l’hébreu. Et, au Québec, il serait immoral de se donner
des lois pour ne pas laisser mourir le français? Des lois pour ressusciter des
langues mortes, ça va? Mais pas pour les sauver d’une mort certaine?
Gilles
Proulx
Quant à Jean
Charest, il s’est adjoint, comme Legault, un ancien policier grassement
pensionné en la personne de Robert Poëti, qui va donc se faire le porte-parole
de tout ce qui ne change jamais au Québec…
Gilles Proulx
Le vol du siècle : Anticosti et Gaspésie
Avant de céder au secteur privé l'ensemble des permis d'exploration gazière et pétrolière qu'elle possédait, Hydro-Québec prévoyait investir plus de 330 millions $ entre 2002 et 2010 afin d'évaluer le potentiel en énergies fossiles du sous-sol québécois et du golfe du Saint-Laurent. Les libéraux ont toutefois mis fin aux activités de la division Pétrole et gaz de la Société d'État, un choix qui revient à avoir bradé les ressources en hydrocarbures du Québec.
Hydro-Québec a cédé les droits de l'Ile d’Anticosti et de la Gaspesie à Pétrolia et Junex, sous prétexte qu'il ignorait le potentiel pétrolier de 40 milliards de barils (100$ le baril = 4000 milliards $). Coincidence? Plusieurs des membres du CA de Pétrolia et Junex sont d'ex-employés d'HQ qui ont fait la prospection, dont Érick Adam. L’ancien PDG d’HQ, André Caillé (52), siège au CA de Junex detjpuis 2008. Jean-Yves Lavoie, cofondateur de Junex, a travaillé à la SOQUIP de 1974 à 1980 à titre d’ingénieur pétrolier. Un autre membre du CA, Jacques Aubert, a été membre de la haute direction puis président de la SOQUIP à la fin des années 1990. Le chef des opérations de Junex, Peter Dorrins, a occupé le poste de chef de la division Pétrole et gaz d’HQ de 2003 à 2006. D'ailleurs, le porte-parole du groupe Maitres chez nous - 21e siècle, Daniel Breton, a déposé une plainte à la SQ contre le gouvernement Charest, qu'il accuse d'avoir perpétré le «vol du siècle».
Le tabac en chiffres
(Paris) De nouvelles estimations révèlent l'énormité de la
consommation mondiale de tabac, dont l'usage est désormais bien ancré dans les
pays en voie de développement
L'étude conduite dans 16 pays représentant plus de trois milliards
d'habitants montre que 48,6% des hommes et 11,3% des femmes sont des
consommateurs de tabac.Le nombre de consommateurs est ainsi évalué dans ces pays à environ 852 millions -- 661 millions de fumeurs (cigarettes, bidis, narguilé...) et 247 millions d'usagers de tabac sans fumée (tabac à chiquer, à priser...) -- par les auteurs de l'étude publiée par la revue médicale britannique The Lancet.
…
…
On estime ainsi que 50% des fumeurs de longue durée vont mourir de maladies
liées au tabagisme.
…
100 milliards de cigarettes sont fumées chaque année.
…
L'espérance de vie des personnes
travaillant dans les casinos lieux où les fumeurs étaient nombreux avant le 1 er
Janvier 2008, est de 63 ans alors qu'elle est d'environ 84 ans pour les femmes
et de presque 78 ans pour les hommes.
…
D'après une étude effectuée en 2005 pour l'Observatoire des drogues et des
toxicomanies, l'OFDT, le tabagisme représente des dépenses pour la société de
l'ordre de 3% du PIB( produit intérieur brut)
…
Seuls 3 à
5 % des fumeurs qui ont essayé d'arrêter de fumer sans aucune aide réussissent
à passer le cap des 12 mois.
…
…
37% des adolescents de 11 à 15 ans fumeurs estiment ne pas pouvoir se passer
de cigarette.
…
1 cigarette en moins
équivaut à 11 minutes de vie supplémentaire
Poètes
du jour
Je
suis athée mais j’aime bien ce poème sur Jésus, plus je le relis, plus je l’aime!
Vahé Godel
Jésus-Christ
Jésus-Christ est
mort sur la croix,
à Golgotha,
selon les Écritures,
en compagnie de
deux brigands.
Jésus-Christ est
mort dans son lit,
muni des
sacrements de l'église.
Jésus-Christ est
mort sur la paille
il était sans
travail depuis des mois.
Jésus-Christ est
mort en quarante-trois,
non loin de
Munich,
dans une chambre
à gaz.
Jésus-Christ est mort à l'asile de vieillards.
Jésus-Christ est
mort dans la cour
d’une prison
londonienne,
la presse en a
parlé,
il n’avait pas
20 ans.
Jésus-Christ est
mort sur la chaise électrique,
quelque part aux
États-Unis,
accusé d'avoir
violé une blanche.
Jésus-Christ est
mort un dimanche,
à la
Chaux-de-Fonds
il s’était trié
une balle de mousqueton
dans la
mâchoire.
Jésus-Christ est
mort de la peste noire,
à Florence, au
quatorzième siècle.
Jésus-Christ est
mort d’un coup de sang,
dans les bras de
Gerta la Rousse,
à Sankt-Pauli.
Jésus-Christ est
mort sur l'autoroute,
au volant d'une
Maserati.
Jésus-Christ est
mort aux Thermopyles,
à Marignan, à
Stalingrad,
à Hiroshima.
Jésus-Christ est
mort à la fleur de l’âge.
Lors d’une
émeute, en pleine rue,
Mitraillé par
les forces de l’ordre.
Jésus-Christ est
mort dans l’Arve
En pleine rue,
On n’a pas
découvert son cadavre.
Un
poème sur la mort que j’adore…
Edouard Pailleron
1834-1899
Le
Squelette
Il était là
pendu, gris, sec, horrible à voir;
À la place de
l’œil se creusait un trou noir,
Rond profond
béant sans prunelles;
La tête qui
tombait montrant son crâne affreux,
Contemplait sa
carcasse aux ossements terreux,
Avec sa grimace
éternelle.
On avait écrit
Femme au-dessus de sou front;
Et mes yeux à ce
mot qui semblait un affront,
Palpaient et
fouillaient cette chose,
Suivaient de ces
débris les entrelacements,
Tâchaient de
recouvrir enfin ces ossements
D’un peu du
passé blanc et rose.
Une femme! Ainsi
donc ce reste avait été
Une femme peut
être un trésor de beauté!
Ces os spongieux
durs et lisses,
Avaient frémi d’amour,
chose étrange à penser
Quelqu’un peut-être
avait même, à les enlacer,
Senti d’ineffables
délices
L’ardente
volupté, le désir gracieux,
Avaient flambé
jadis en ces deux trous sans yeux.
Dans ce sein
troué comme un crible,
Un cœur avait
battu que l’on se disputait;
Pour ces restes
hideux peut-être on avait fait
Je ne sais quoi
de grand, d’horrible!
«Oh ! dirais-je, à quoi bon tant de serments perdus,
De baisers
enivrants, de désirs éperdus,
Si plaisir vain,
beauté mortelle,
Si du rapide
amour tout passe et tout périt?...»
La bouche du
squelette à ces mots s’entrouvrit :
«Pour
qu’un monde vive», dit-elle.
Est-ce
qu’on peut rester indifférent à la prose de Michel Houellebecq?… Selon moi,
c’est sa poésie qui fait sa force…
Michel Houellebecq
Kiki !
Kiki !
Retournerai-je en discothèque ?
Cela me paraît peu probable;
À quoi bon de nouveaux échecs ?
Je préfère pisser sur le sable
Et tendre ma petite quéquette
Dans le vent frais de Tunisie,
Il y a des Hongroises à lunettes
Et je me branle par courtoisie.
Je plaisante au bord du suicide
Comme un fil près du trou de l'aiguille
Et si j'étais un peu lucide
Je sauterais sur toutes les filles
Et je ferais n'importe quoi
Pour passer au moins une nuit,
Pour arracher un peu de joie
Auprès de ces corps qui s'enfuient.
Mon sexe est toujours là, il gonfle
Je le retrouve entre les draps
Comme un vieil animal, il ronfle
Quand je réutilise mon bras.
Que ma main connaît bien mon sexe !
Ce sont de très anciens rapports
Rien ne la fâche, rien ne la vexe,
Ma main me conduit à la mort.
Je me masturbe au Martini
En attendant demain matin
Je sais très bien que c'est fini,
Mais je ne comprends pas la fin
Et tout seul, dans la nuit, je me branle
Autour d'un halo de douceur
J'ai envie de poser ma viande ;
Je me réveille, je suis en pleurs.
L'amour, l'amour
Dans un ciné porno, des retraités poussifs
Contemplaient, sans y croire,
Les ébats mal filmés de deux couples lascifs;
Il n'y avait pas d'histoire.
Et voilà, me disais-je, le visage de l'amour,
L'authentique visage.
Certains sont séduisants; ils séduisent toujours,
Et les autres surnagent.
Il n'y a pas de destin ni de fidélité,
Mais des corps qui s'attirent.
Sans nul attachement et surtout sans pitié,
On joue et on déchire.
Certains sont séduisants et partant très aimés;
Ils connaîtront l'orgasme.
Mais tant d'autres sont las et n'ont rien à cacher,
Même plus de fantasmes;
Juste une solitude aggravée par la joie
Impudique des femmes;
Juste une certitude: "Cela n'est pas pour moi",
Un obscur petit drame.
Ils mourront c'est certain un peu désabusés,
Sans illusions lyriques;
Ils pratiqueront à fond l'art de se mépriser,
Ce sera mécanique.
Je m'adresse à tous ceux qu'on n'a jamais aimés,
Qui n'ont jamais su plaire;
Je m'adresse aux absents du sexe libéré,
Du plaisir ordinaire.
Ne craignez rien, amis, votre perte est minime:
Nulle part l'amour n'existe.
C'est juste un jeu cruel dont vous êtes les victimes;
Un jeu de spécialistes.
En guise de préambule,
au livre du jour
Dans
la conscience des mélancoliques des temps modernes, la raison nous échappe et
intimement liée à la perte de raison est la perte du sens.
Raymond Klibanski
La
mélancolie est une pluie lente, régulière, parce qu’elle dit à l’homme l’infinie
monotonie, l’immutabilité, le manque de but des choses.
Carlo Michelstaedter
Livre du jour : Raymond
Klibansky Le Philosophe et la Mémoire du siècle
Entretiens avec Georges
Leroux
J’ai lu une biographie sur Raymond Klibanski, il est connu entre autres pour ses travaux sur le
Moyen Âge, la mélancolie et ainsi de suite. J’ai beaucoup aimé les passages sur
la deuxième guerre mondiale. Ce dernier a travaillé à l’époque pour les
services secrets des alliés, voici un simple aperçu.
À la lecture de ce qui
suit, vous comprendrez pourquoi le régime hitlérien n’a pas développé l’arme
atomique.
La
première guerre mondiale avait été très dure pour l’Angleterre. Les pertes anglaises
avait été énormes, surtout en ce qui
concerne la classe des officiers. On peut dire qu’une grande partie de l’élite
anglaise a été éliminée pendant cette guerre parce que les officiers étaient au
premier rang et ont été fauchées. De là venait cette conviction que toute
guerre est un désastre parce que c’est la perte du sang. L’Angleterre ne s’est
jamais remise entièrement de cette perte de la meilleure partie de son élite.
Ce sentiment était, de toute évidence, très fort parmi ceux qui ne voulaient
pas de guerre ni de tout ce qui menait vers la guerre.
…
En 1933, juste après mon arrivée en Angleterre, j’ai
rencontré un savant hongrois qui venait d’Allemagne et qui parlait très bien l’allemand.
Je l’ai rencontré dans les locaux de la Société royale à Londres qui, à ce
moment était installée à Burlington House où se trouvait le Secrétariat de la
«Society for the Protection of Science and Learning». Ce monsieur, qui s’appelait
Leo Szilard, m’invita dans son hôtel. Il m’a dit qu’il avait dû fuir. C’était surprenant
à cette époque. Moi, j’avais dû me cacher et fuir parce que j’avais fait
quelque chose qui avait provoqué la haine des Nationaux-socialistes à Berlin :
mon édition de Maître Eckhart et ma réponse au questionnaire officiel
concernant mes origines. Mais qu’un savant engagé dans des recherches de physique
ait dû fuir était étrange. Je lui ai
demandé pourquoi. Il me dit qu’il avait travaillé au Kaiser Wilhelm Institute,
le grand institut à Berlin-Dalhem, le centre de recherche théorique en
physique, qu’il avait collaboré un certain moment avec Einstein et qu’il s’occupait
des possibilités de l’énergie atomique.
En fait, c’était la veille de notre rencontre, en
attendant le changement de feu, à Southampton Road devant l’Imperial Hôtel, qu’il
avait eu cette idée avant même de savoir qu’on pouvait produire une simple fission
de l’atome.
Les possibilités de cette énergie étaient telles
qu’on ne pouvait pas en imaginer les conséquences. Le gouvernement qui
possédaient les résultats d’une telle recherche aurait un pouvoir qui ne
pourrait être égalé par qui que ce soit au monde. C’était là le sujet de sa
recherche. Nous savons aujourd’hui que son approche, l’exécution qu’il
envisageait alors, était fausse. Mais l’idée était son idée. D’abord, j‘ai cru qu’il exagérait. Il avait une manière
de parler qui semblait un peu, je ne dirais pas embellir, mais magnifier les
choses. Il me donnait cependant l’impression, comme je le questionnais de près,
de savoir ce dont il parlait. Ce n’était pas un homme éloquent, mais un homme
très sérieux et l’impression était tellement forte que je prenais des notes dans
mon carnet, ce que je ne fais pas en général. A peine 10 jours plus tard, au
début septembre 1933, je l’ai rencontré de nouveau et ensuite, plusieurs fois.
…
Plus tard, en février 1943, la bataille de
Stalingrad a été la première grande catastrophe pour l’Allemagne, une
catastrophe qui ne pouvait être cachée au peuple allemand. On connaît l’art de
la mise en scène de Hitler, les parades, tout le théâtre wagnérien… mais cette
fois, il fallait non seulement maintenir mais remonter le moral de la
population. Comment le faire sans une victoire militaire éclatante qui ne
semblait guère possible? A ce moment, apparaît dans la propagande allemande la
mention d’une arme secrète. Or, et ceci était clair, cette propagande venait d’en
haut. L’arme secrète devait compenser cette sensation de défaite et donner l’espoir.
Il est certain que, dans une dictature, on ne peut pas mentir au point de
lancer une idée sans qu’il y ait quelque chose de concret. Sinon, on cesse d’être
cru et c’est le désastre. Il devait donc y avoir un noyau de vérité. Quelle
était l’arme secrète ? Voilà la question centrale.
Techniquement,
il y avait deux possibilités : soit les fameuses fusées V1 ou V2, soit
effectivement la bombe atomique.
On
ne savait pas encore ce que cela serait. Alors, dès ce moment, il y a eu une
mobilisation des efforts à l’échelle mondiale pour déterminer le caractère de l’arme
secrète. Il y avait la censure mondiale. Tous les courriers allemands qui
sortaient d’Europe étaient interceptés puis analysés pour voir s’ils
contenaient un indice quelconque. Car une chose est claire : une arme
secrète ne se fait pas à partir de rien. Elle demande la concentration des
efforts d’un assez grand nombre de personnes. Où pouvait-on trouver une telle
concentration? Dans quels domaines y avait-il un silence spécial imposé par les
autorités? Ce sont les facteurs importants. Il fallait chercher partout la
moindre preuve. A côté des missions étrangères et des diplomates, il y avait
une autre source d’information très importante : les nombreux ouvriers
étrangers, dont beaucoup de Français, aussi bien ceux qui étaient forcés de
travailler en Allemagne que ceux qui y allaient volontairement y travailler. On
gagnait bien sa vie en Allemagne et on allait y travailler. Ces ouvriers se
rendaient compte de ce qui se passait et avaient des contacts avec des
nationaux de leur pays. Dans certaines régions, il y avait des concentrations importantes
d’ouvriers étrangers.
Il
existait donc toute une série de sources de renseignements que je ne vais pas
énumérer, quelques unes plus secrètes que les autres. Une des principales était
les photographies aériennes prises chaque jour, selon une méthode basée sur ce
que l’on nommait, en Angleterre, «operation research»; elle consistait à
couvrir le maximum de terrain à l’aide d’un minimum de mouvements aériens.
Ainsi, on photographiait, chaque jour, un vaste territoire allemand; ces
photographies étaient interprétées dans un centre non loin de Londres, et ceux
qui y travaillaient avaient la tâche de dire immédiatement s’ils observaient
quelque chose d’étrange qui sortait de l’ordinaire. Un beau jour, une WAAF
(Women’s auxilairy Air Force), a noté qu’il y avait sur le sol une chose
manifestement destinée à des manœuvres aériennes, et qu’elle ne pouvait pas
identifier. C’était une sorte de catapulte. Il s’agissait de la première
indication des fusées.
Ensuite,
la résistance polonaise a trouve une pièce qui ne pouvait pas s’expliquer, une pièce longue, un genre d’obus, qu’on n’avait
jamais vu. Il s’agissait, en effet, d’une fusée qui avait été lancée dans la
mer Baltique et qui était allée tomber trop loin en Pologne. On l’avait copiée
et on en avait pris les mesures qui étaient difficiles à croire. On réussit à
faire venir ce dessin en Angleterre. Il y avait encore certaines autres
indications. On savait qu’il y avait beaucoup d’ouvriers étrangers au bord de
la mer Baltique près de Peenemünde. Peenemünde a été attaqué, ce fut le fameux Peenemünde
Raid, une destruction énorme et qui a retardé le programme des fusées de 6
mois, 6 mois essentiels pour la préparation de l’invasion. Hélas, de très
nombreux ouvriers ont été tués.
La deuxième possibilité concerne
effectivement les signes éventuels de fabrication d’une arme à proprement
parler nucléaire. On savait l’importance que les Allemands accordaient à l’eau
lourde.
La
fusée était évidemment de grande importance, mais nous savions aussi, comme
vous le remarquez, qu’on attachait un intérêt extraordinaire à l’eau lourde. D’abord,
dès avant le début de la guerre, une note dans un journal officiel allemand
avait attiré notre attention. Elle défendait l’exportation d’uranium de l’ancienne
Tchécoslovaquie. C’était un ordre officiel, public. Deuxièmement, nous avions
des rapports en provenance de Norvège, sur l’importance énorme que les
Allemands attachaient à ces installations d’eau lourde. Comme vous le savez, c’est
le Congo qui produit l’uranium; les Allemands ne pouvaient pas y aller et la
Norvège était donc la source principale d’eau lourde. On voyait que tout était
fait pour exploiter. Il fallait savoir pourquoi. A quoi bon, si c’était pour
des recherches seulement théoriques? Les Allemands comptaient l’utiliser. Il
était donc clair que le danger de la bombe nucléaire était réel.
On
savait très bien, dans les milieux scientifiques, que c’étaient les allemands
qui avaient commencé ces recherches et que c’était à Berlin que les expériences
de Hahn et Strassmann ont abouti à la première fission à la fin 1938. Le nom
même de fission n’était pas encore courant à l’époque. Au début de 1939, Hahn a
écrit à Lise Meitner, sa collaboratrice qui avait dû se réfugier à Stockholm en
1938 parce qu’elle était de race juive, qu’on avait réussi cette fission. Elle
avertit immédiatement son neveu à Copenhague, Otto Frisch, un homme d’une grande
intelligence qui travaillait avec Niels Bohr.
Frisch
était à son ami Millikan à Birmingham et demande de pouvoir venir en
Angleterre. A ce moment, les possibilités d’utiliser l’énergie nucléaire
étaient devenues réelles. Szilard était alors aux USA. Il avait dit qu’il s’y
rendait «un an avant la déclaration de la guerre» et, en effet, il s’y est
installé au début de 1938. Il va voir Einstein, qu’il avait connu à Berlin
alors qu’il était jeune. Einstein comprend les possibilités énormes, décisives,
de cette découverte et ils écrivent une
lettre restée fameuse à Roosevelt disant
en
substance : «Les Allemands y travaillent sans aucun doute. Si nous ne le
faisons pas d’abord, ce sont eux qui prendront les devants. » C’est là l’origine
de Manhattan Project. Szilard met toute en œuvre pour produire la réaction en
chaîne. C’est lui qui persuade l’Italien Fermi de demander l’argent
indispensable pour faire les expériences nécessaires. Ils parviennent à l’obtenir
à Chicago. Ils travaillent d’arrache-pied et c’est le 2 décembre 1942 qu’ils
réussissent à produire la réaction en chaîne.
…
Szilard a donné sa vie à la construction des
bombes atomiques et qui, après avoir réussi à alerter les Américains s’est toujours
trouvé dans une situation assez difficile parce que le général Grove, qui était
en charge du point de vue de l’administration militaire, avait les plus
profonds soupçons à son égard. Il croyait que c’était un espion et le surveillait.
Il y a des rapports de la police américaine disant qu’on avait observé qu’en
rencontrant 2 autres savants, Szilard avait parlé une langue étrangère. C’était
Teller et Wigner, 2 autres savants hongrois! Il faut dire que Szilard avait
parfois l’air un peu indiscret.
Après la réussite de la bombe, il a fait tout,
vraiment tout, pour avoir accès au président Truman et le convaincre de ne pas
jeter la bombe sur des pays peuplés, sur des hommes, mais d’avertir les Japonais
et de leur montrer ce qui arriverait. Truman a refusé. Alors, il a été
tellement dégoûté que, comme vous le savez. Il a totalement abandonné tout
travail relatif à l’énergie nucléaire et
a commencé à apprendre quelque chose de tout à fait nouveau pour lui, la
biologie. Il est devenu la grande autorité des dauphins. Il a écrit là-dessus.
Il est devenu un des participants les plus actifs aux conférences de Pugwash et
a consacré toutes ses énergies au problème de la survie de l’humanité. Il a
fondé un «Concil for a Livable World» dont le rôle consistait à recueillir des
fonds pour aider les candidats au Congrès qui s’engageaient à travailler pour
la sécurité du monde. En 1959, il partagea avec Eugen Wigner le prix «Atom for peace».
…
Ils voulaient obtenir les moyens nécessaires et
ils voulaient convaincre le chef, Hitler. Hitler ne voulait cependant rien
savoir de la bombe atomique et ceci nous le tenons de la meilleure autorité, le
ministre des Armements de Hitler, une source de premier ordre, Albert Speer,
dont il faut lire les mémoires. Pourquoi? A première vue, on aurait pu penser
qu’une arme secrète et décisive devait avoir un grand effet sur l’imagination d’Hitler,
lui qui aimait ce genre de surprises. Or, il n’en était rien, parce que tout ce
qui touchait à l’atome était vu de façon négative, car c’était considéré comme
juif. Tout ce qui touchait à la relativité et à l’énergie nucléaire était de la
physique juive. Ici, c’est Lenard qui a joué un rôle important. C’est lui que
Hitler respectait. C’était le premier savant de renom, prix Nobel, qui était
venu le voir et il disait que la relativité était opposée à la morale
allemande, que c’était un élément de désintégration. Tandis que Werner von
Braun, quand il est venu avec l’idée de la fusée, a provoqué l’enthousiasme d’Hitler.
Livre du jour : Raymond
Klibansky Le Philosophe et la Mémoire du siècle
Entretiens avec Georges
Leroux BORÉAL COMPACT
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