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En Mémoire de Vincent Beauchemin




Je dédie ce blogue d’aujourd’hui à mon oncle Vincent Beauchemin qui nous a quitté trop rapidement. Outre son épouse, il laisse dans le deuil, ses enfants : Stéphane (Annie Gagnon), Nicolas (Catherine Corneau), Caroline, Louis-Philippe, Marie-Ève; ses quatre petits-fils : Thomas, Jean-Gabriel, Marc-Antoine et Théodore; ses frères et sœurs : Charlotte Jean-Guy Marois), feu Gilles ( feu Colombe Morin), Yolande (Jules Gagnon), Fernand; ses beaux-frères et belles-sœurs : Jean (Ginette Laliberté), Hélène (Raymond Leboeuf), Jacques, feu Robert , Marcel, Monique (Maurice Roy) ainsi que plusieurs neveux, nièces, cousins, cousines, et ami (e)s. Que mes pensées vous accompagnent.  
  


Citations du jour

 «A mon sens, la plus grande faveur que le ciel nous ait accordée, c’est l’incapacité de l’esprit humain à mettre en corrélation tout ce qu’il renferme. Nous vivons sur un îlot de placide ignorance, au sein des noirs océans de l’infini, et nous n’avons pas été destinés à de longs voyages. Les sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas fait trop de mal jusqu’à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons : alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix d’un nouvel âge de ténèbres.»
                                                           H. P. Lovercraft
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Spend your time wisely, and only in the company of those that matter, as time is the only true currency you have
                                                            Brian Sher
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Le créateur a accordé un don inestimable aux animaux en les privant de la faculté inquiétante de réfléchir à l'avenir.
                                                                    
                                                           Tennessee Williams
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Quand un vrai génie apparaît dans ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui
                                                           John Kennedy Toole
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"Etre trop cultivé pose le problème de vivre avec un brouhaha dans la tête. Un système de références tellement riche que l'on finit par poser sur le monde un regard privé de fraîcheur. Chaque émotion, toute sensation et la moindre rencontre deviennent prétexte à se rappeler une phrase, un passage de livre, une musique, un tableau. Oublier, c'est reconquérir sa fraîcheur. Ce que l'on gagne en culture, on le perd un peu en spontanéité. Mais ne pas être cultivé est une paresse, une impolitesse à l'égard de ce qui fut. On se prive de la conversation permanente entretenue avec le passé. Parfois, des gens refusent de lire pour ne pas se polluer. Jules Renard leur a répondu: "Plus on lit, moins on imite." (Journal). Être cultivé n'est pas qu'une ambition de légume, c'est le plus sûr moyen de n'être jamais seul."  
                                                              Sylvain Tesson
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"A quoi sert d'être cultivé? A habiter des époques révolues et des villes où l'on n'a jamais mis les pieds. A vivre les tragédies qui vous ont épargné, mais aussi les bonheurs auxquels vous n'avez pas eu droit. A parcourir tout le clavier des émotions humaines, à vous éprendre et vous déprendre. A vous procurer la baguette magique de l'ubiquité. Plus que tout, à vous consoler de n'avoir qu'une vie à vivre. Avec, peut-être, cette chance supplémentaire de devenir un peu moins bête, et en tout cas un peu moins sommaire."  
                                                               Mona Ozouf
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"La question n'est pas banale, car, dans la civilisation des valeurs matérielles qui est la nôtre, quelle peut être la place de la culture? Elle participe à ce qui est légué dans notre patrimoine. Elle sert à obtenir des plaisirs, des satisfactions, des consolations qui ne pourront jamais s'acheter. Mais la culture n'apporte pas l'intelligence. On peut être très cultivé et con comme la lune (les snobs)! Je connais, à l'inverse, un paysan qui n'est jamais sorti de son canton et qui est l'homme le plus intelligent qui soit. La vraie culture n'est pas à la mode, elle est détachée des valeurs des petits groupes dominants. La vraie culture, c'est celle qui est en accord avec les valeurs du futur."  
                                                               Alain Rey
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Je l’entame
Pour nier le temps
Je m’écris
Pour durer.

                                                            Andrée Chedid  
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Statistiques et Anecdotes du jour



Pire, quand Jacques Duchesneau a voulu tendre au ministre une copie du rapport, Sam Hamad aurait refusé de la prendre. «Il n'a pas voulu mettre ses empreintes digitales [sur mon rapport]» a lancé Duchesneau. Pour appuyer ses dires, l'ex-policier a imité la gestuelle qu'aurait eu ministre, enfonçant sa tête entre ses épaules et reculant les mains. «C'était assez décevant merci.»
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À la fin de se témoignage sur cet épisode, Me Chartrand, qui dirige l'interrogatoire, a demandé quelle avait été la réaction du ministre au contenu de sa présentation, à défaut d'avoir pris son rapport. «Je n'ai pas été impressionné par la réaction du ministre, je n'ai pas senti que ça l'intéressait», a insisté Jacques Duchesneau.

Jacques Duchesneau tient à être clair: «J'ai vu plus d'entrepreneurs victimes du système que d'entrepreneurs qui tiraient les ficelles. On parle d'un infime groupe, des oligarques, qui peuvent, à cause de la force financière de leur groupe, déterminer qui va avoir un contrat ou pas».
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On  pourrait penser que Christine Saint-Pierre, ministre de la Culture, a elle aussi égaré son pèse-mot. La semaine dernière, elle a dit ceci quand le conteur Fred Pellerin a décidé de ne pas accepter l’Ordre du Québec, à cause du climat actuel : « Il a le droit de porter le carré rouge, on est dans la liberté d’expression, mais nous on sait ce que ça veut dire, le carré rouge, ça veut dire l’intimidation, la violence, ça veut dire aussi le fait qu’on empêche des gens d’aller étudier. Pour nous, c’est ce que ça veut dire et pour une grande, grande, grande partie des Québécois, c’est ce que ça veut dire. »
                                                       Patrick Lagacé
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Le manque de culture de la ministre Saint-Pierre n'est pas seulement intellectuelle comme Lisée le souligne via le Larousse, mais surtout politique, sociale et historique, ce qui n'est guère étonnant pour une ancienne journaliste fédéraliste de Radio-Cadenas.
                                                        Professeur Daniel Clapin-Pépin, UQAM
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Si vous doutiez de l’effet du soleil sur votre visage…
Photo, NEJM


… Le New England Journal of Medicine a une photo qui vaut mille rides.


Cet homme a conduit un camion pendant 28 ans : le côté gauche de son visage a été surexposé aux rayons UV du soleil. Le côté gauche de son visage est hyper-vieilli, le côté droit, beaucoup moins. Bref, si vous aimez les rides, faites-vous bronzer à outrance…

L'actualité de juillet 2012 : "Si l'Alberta était un pays, il aurait les émissions de GES par habitant les plus élevées au monde, à 69 tonnes de CO2 par année, contre 49 tonnes pour le Qatar, son rival le plus proche."
                                                       Patrick Lagacé




Vidéos du jour
Roger Waters - The Wall sur les plaines d'Abraham le samedi 21 juillet 2012 
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Bref, c'est la révolution au Québec. 
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Guy A Lepage - Hausse des frais de scolarité 
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Vive le crétinisme!
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Infoman commente Éric Duhaime et son propos sur Amir Khadir


Une campagne de peur

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Arafat et Christine St-Pierre 
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C’est intéressant de voir à quel point on s’en prend à Amir Khadir au Québec.
Point de presse d'Amir Khadir à la suite de son arrestation à Québec (6 juin 2012) 
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Un interprète que j’aime beaucoup…
Reiner Brüninghaus - Freigeweht 
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Rainer Bruninghaus - Piano Solo into Fire Side (1989) 
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Poète du jour
Andrée Chedid
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Le Hasard
Le Hasard
Ne cesse de ramener
Vers nos rivages
Quelques merveilles
Que nous n’avions pas cueillies
Quelques malheurs
Que nous n’avions pas ourdis

Surgis des ténèbres
Ou de l’éclair
Le Hasard
Pose tantôt son aile
Sur notre épaule
Tantôt ses griffes
Dans la chair
De nos vies.


L’œil

D’où nous vient cet Œil
Qui capte les géographies
Entrelace océans et pierres
Amasse ombres et soleils
Brasse creux et crêtes

Qui nous accorde cette prunelle
Qui embrasse terres et visages
Qui survole ou s’attarde
Qui est source du regard

Qui nous octroie cette vue
Qui trace amour ou dédain
Désir comme épouvante
D’où émerge cet Œil
Qui nous offre l’univers

Où converge l’autre regard
Qui se détourne du monde ?


Au cœur du cœur

Au cœur de l’espace
Le Chant

Au cœur du chant
Le Souffle

Au cœur du souffle
Le Silence
 
Au cœur du silence
L’Espoir

Au cœur de l’espoir
L’Autre

Au cœur de l’autre
L’Amour

Au cœur du cœur
Le Cœur.

Découvrez Andrée Chedid 
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Livre du jour H.P. Lovecraft  Contre le monde, contre la vie
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Naturellement, je ne suis pas familiarisé avec les phénomènes de l’amour, sinon par des lectures superficielles.
                                                                        H. P. Lovercraft

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La biographie de Lovecraft comporte très peu d’événements. «Il ne se passe jamais rien», tel est un des leitmotive de ses lettres. Mais on peut dire que  sa vie, déjà réduite à peu de chose, aura été rigoureusement  vide s’il n’avait pas croisé le chemin de Sonia Haft Greene.  
Le choc de New York
Immédiatement après le mariage, le couple s’installe à Brooklyn, dans l’appartement de Sonia. Lovecraft va y vivre les 2 années les plus surprenantes de sa vie. Le reclus misanthrope et un peu sinistre de Providence se transforme en un homme affable, plein de vie, toujours prêt pour une sortie au restaurant ou dans un musée. Il envoie des lettres enthousiastes pour annoncer son mariage :

«Deux ne forment plus qu’un, Une autre a porté le nom de Lovecraft. Une nouvelle famille est fondée !

Je voudrais que vous puissiez voir grand-papa cette semaine, se levant régulièrement avec le jour, allant et venant d’un pas rapide. Et tout cela avec la perspective dans le lointain travail littéraire régulier – mon premier vrai boulot !»

Ses correspondants débarquent chez lui, l’appartement des Lovecraft ne désemplit pas. Ils sont tout surpris de découvrir un jeune homme de 34 ans là où ils croyaient trouver un vieillard désenchanté ; Lovecraft, à cette date,  éprouve exactement le même type de surprise. Il commence même à caresser des rêves de notoriété littéraire, à prendre contact avec des éditeurs, à envisager une réussite. Ce miracle est signé Sonia.
Il ne regrette même pas l’architecture coloniale de Providence, qu’il croyait indispensable à sa survie. Son premier contact avec New York est au contraire  marqué par l’émerveillement ; on en retrouve l’écho dans Lui, nouvelle largement autobiographique écrite en 1925 :

«En arrivant dans la ville, je l’avais aperçue dans le crépuscule, du haut d’un pont, s’élevant majestueusement au-dessus de l’eau. Ses pics et ses pyramides incroyables se dressaient dans la nuit comme des fleurs. Teintées par des brumes violettes, la cité jouait délicatement avec les nuages flamboyants et les premières étoiles du soir. Puis elle s’était éclairée, fenêtre après fenêtre. Et sur les flots scintillants, où glissaient des lanternes oscillantes et où les cornes d’appel émettaient d’étranges harmonies, le panorama ressemblait à un firmament étoilé, fantastique, baigné de musiques féeriques

Lovecraft n’a jamais été aussi près du bonheur qu’en cette année 1924. Leur couple aurait pu durer. Il aurait pu trouver un emploi de rédacteur à Weird Tales. Il aurait pu…

Cependant, tout va basculer, à la suite d’un petit événement lourd de conséquences : Sonia va perdre son emploi. Elle tentera d’ouvrir sa propre boutique, mais l’affaire périclitera. Lovecraft sera donc contraint de chercher un travail pour assurer la substance du ménage.

La tâche s’avérera absolument impossible. Il essaiera pourtant, répondant à des centaines d’offres, adressant des candidatures spontanées… Échec total. Bien sûr, il n’a aucune idée des réalités que recouvrent des mots comme dynamisme, compétitivité, sens commercial, efficience… Mais quand même, dans une économie qui n’était à l’époque même pas en crise, il aurait dû être capable de trouver un emploi subalterne… Eh bien non. Rien du tout. Il n’y a aucune place concevable, dans l’économie américaine de son époque pour un individu comme Lovecraft. Il y a là une espèce de mystère ; et lui-même, bien qu’il ait conscience de son inadaptation et de ses insuffisances, ne comprend pas tout à fait.

Voici un extrait de la lettre circulaire qu’il finit par adresser  à d’«éventuels employeurs» :
«La notion d’après laquelle même un homme cultivé et d’une bonne intelligence ne peut acquérir rapidement une compétence dans un domaine légèrement en dehors de ses habitudes me semblerait naïve ; cependant, des événements récents m’ont montré de la manière la plus nette à quel point  cette superstition est largement répandue.  Depuis que j’ai commencé, voici 2 mois, la recherche d’un travail par lequel je suis naturellement et par mes études bien armé, j’ai répondu à près de 100 annonces sans même avoir obtenu une chance d’être écouté de manière satisfaisante – apparemment parce que je ne peux faire état d’un emploi occupé antérieurement dans le département correspondant aux différentes firmes auxquelles je m’adressais. Abandonnant donc les filières traditionnelles, j’essaie finalement à titre d’expérience de prendre l’initiative.»

Le côté vaguement burlesque de la tentative (« à titre d’expérience», notamment, n’est pas mal)  ne doit pas dissimuler le fait que Lovecraft se trouvait dans une situation financière réellement pénible. S’il avait vaguement  conscience de ne pas être du tout à fait en phase avec la société de son époque, il ne s’attendait quand même pas à un rejet aussi net. Plus loin, la détresse perce lorsqu’il annonce qu’il est disposé, «eu égard  aux usages et à la nécessité, à débuter aux conditions les plus modestes, et avec la rémunération qui est habituellement versée aux novices». Mais rien n’y fera. Quelle que soit la rémunération, sa candidature n’intéresse personne. Il est inadaptable à une économie de marché. Et il commence à vendre ses meubles.

Parallèlement, son attitude par rapport à l’environnement se détériore. Il faut être pauvre pour bien comprendre New York. Et Lovecraft va découvrir l’envers du décor. A la première description de la ville succèdent dans Lui les paragraphes suivants :
«Mais mes espérances furent rapidement déçues. Là où la lune m’avait donné l’illusion de la beauté et du charme, la lumière crue du jour ne me révéla que le sordide, l’aspect étranger et la malsaine prolifération d’une pierre qui s’étendait en largeur et en hauteur. Une multitude de gens se déversaient dans ces rues qui ressemblaient à des canaux. C’étaient des étrangers trapus et basanés, avec des visages durs et des yeux étroits, des étrangers rusés, sans rêves et fermés à ce qui les entourait. Ils n’avaient rien de commun avec l’homme aux yeux bleus de l’ancien peuple de colons qui gardait au fond du cœur l’amour des prairies verdoyantes et des blancs clochers des villages de la Nouvelle- Angleterre.»

Nous voyons ici se manifester les premières traces de ce racisme    qui nourrira par la suite l’œuvre de HPL. Il se présente au départ sous une forme assez banale : au chômage, menacé par la pauvreté, Lovecraft supporte de plus en plus mal un environnement urbain agressif et dur. Il éprouve de surcroît une certaine amertume à constater que des immigrants de toute provenance s’engouffrent sans difficulté dans ce melting-pot tourbillonnant qu’est l’Amérique des années 1920, alors que lui-même, malgré sa pure ascendance anglo-saxonne, est toujours en quête d’une situation. Mais il y aura plus.

Le 31 décembre 1924, Sonia part pour Cincinnati, où elle a trouvé un nouvel emploi. Lovecraft refuse de l’y accompagner. Il ne supporterait pas d’être exilé dans une ville anonyme du Middle West. De toute manière, il n’y croit déjà plus – et il commence à méditer un retour à Providence. On peut le suivre à la trace dans Lui : «Ainsi donc, je parvins quand même à écrire quelques poèmes, tout en chassant l’envie que j’avais de retourner chez moi, dans ma famille, de peur d’avoir l’air de revenir humilié, la tête basse, après un échec.»

Il restera quand même un peu plus d’un an à New York. Sonia perd son emploi à Cincinnati, mais en retrouve un nouveau à Cleveland. La mobilité américaine… Elle revient à la maison tous les 15 jours, rapportant à son mari l’argent nécessaire à sa survie. Et lui continue, en vain, sa dérisoire recherche d’emploi. Il aimerait retourner chez lui, à Providence, chez ses tantes, mail il n’ose pas. Pour la première fois de sa vie, il lui est impossible de se conduire en gentleman. Voici comme il décrit le comportement de Sonia à sa tante Lllilan Clark :

«Je n’ai jamais vu une plus admirable attitude pleine d’égards désintéressés et de sollicitude ; chaque difficulté financière que j’éprouve est acceptée et excusée dès lors qu’elle se révèle inévitable… Un dévouement capable d’accepter sans un murmure cette combinaison d’incompétence et d’égoïsme esthétique, si contraire qu’elle puisse être à tout ce qu’on pouvait espérer à l’origine, est assurément un phénomène si rare, si proche de la sainteté dans son sens historique, qu’il suffit d’avoir le moindre sens des proportions artistiques pour y répondre avec l’estime réciproque la plus vive, avec admiration et avec affection.»

Pauvre Lovecraft, pauvre Sonia. L’inévitable  finira cependant par se produire, et en avril 1926 Lovecraft abandonne l’appartement de New York pour retourner à Providence vivre chez sa tante la plus âgée, Lillian Clark. Il divorcera d’avec Sonia 3 ans plus tard.
-          et ne connaîtra plus d’autre femme. En 1926, sa vie proprement parler est terminée.
Son œuvre véritable – la série des «grands textes» - va commencer.

New York l’aura définitivement marqué. Sa haine contre l’«hybridité puante et amorphe» de cette Babylone moderne, contre le «colosse étranger, bâtard et contrefait, qui baragouine et hurle vulgairement, dépourvu de rêves, entre ses limites» ne cessera, au cours de l’année 1925, de s’exaspérer jusqu’au délire.  On peut même dire que l’une des figures fondamentales de son œuvre – l’idée d’une cité titanesque et grandiose, dans les fondements  de laquelle grouillent de répugnantes créatures de cauchemar – provient directement de son expérience de New York.



Source : Michel HouellebecqH.P. Lovecraft  Contre le monde, contre la vie
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