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Charles Bukowski

Vidéos du jour


La maladie d’Alzheimer : pourquoi les progrès thérapeutiques sont-ils si lents ?
http://www.franceculture.fr/emission-l-eloge-du-savoir-la-maladie-d%E2%80%99alzheimer-pourquoi-les-progres-therapeutiques-sont-ils-si-le

Aspergers famous people
http://www.youtube.com/watch?v=d7lQa3q_OAk&feature=related

Famous People with Autism
http://www.youtube.com/watch?v=axdTT0S3VGI&feature=related

Famous people believed to have had Asperger's Syndrome
http://www.youtube.com/watch?v=QBsPVOYqqNg&feature=related

Do you have Asperger Syndrome?
http://www.youtube.com/watch?v=jwgBkXQfnn4&feature=related


Citations du jour

 Le regard de Ionesco sur le monde qui l'entoure est celui d'un enfant absolument étonné, saisi par l'horreur ambiante, excité par le danger. Son théâtre
 - d'une grande innocence, d'une sagacité enfantine - est celui de la stupéfaction d'être, bien plus que celui de l'absurdité de l'existence.
                                                      Robert Lévesque sur Ionesco



Robert Bourasa aurait dit du haut d'un avion, à la vue de tant de rivières en cours libre dans le Grand Nord québécois: quel gaspillage! Naturellement il les voulait harnachées, rentabilisées. A une autre occasion, il aurait déclaré avec agacement qu'on n'est tout de même pas pour faire du Québec un grand jardin. Robert Bourassa et son gouvernement, son parti, ont joui de la «faveur populaire».
                                                    Paul Chamberland


Vissés conjugalement à nos automobiles, nous préférons nous boucher les yeux et ignorer que le pire s'est déjà installé au volant de la planète. Cet aveuglement collectif n'atteint-il pas au grotesque lorsque nous nous inquiétons avec attendrissement du sort d'un béluga, alors que nous persistons à ne pas changer nos façons de faire?
                                                    Paul Chamberland


Si l'on délègue le choix des nouvelles orientations à ceux qui sont au pouvoir grâce à leur goût du pouvoir et à leur conformiste, il est très probable que les choses évolueront selon la pente naturelle et que s'établira peu à peu un ordre mondial sur le modèle de la société pharaonique: quelques «princes» ayant toutes les prérogatives,  jouissant de tous les privilèges, et une masse d'«esclaves», obésissant et se contentant de ce que les princes leur allouent.
                                                    Albert Jacquard



Seul Ludlum est assez paranoïaque pour imaginer des tueurs canadiens; c'est un peu comme imaginer des koalas tueurs ou des jonquilles tueuses.
                                                   John Leonard


Un éditeur de New York m'a déjà dit, sur un ton inquiet : «Au fond, le problème, c'est qu'on essaie de vendre une chose dont personne ne veut»
                                                   Mordecai Richler 



Il se rendit au bar boire un vodka-7. Il regarda autour de lui. Dans cette enceinte privilégiée, les femmes semblaient toutes plus jeunes, plus élancées, toujours la plaisanterie à la bouche.  Et même les plus âgées paraissaient encore belles. Henry se sentit triste. Pourquoi les femmes des pauvres devaient-elles être si moches? Ce n'était pas juste. Mais qu'est-ce qui était juste? Avait-il jamais existé une époque juste pour les petits? Toutes ces conneries à propos de la démocratie et de l'égalité des chances, c'était simplement pour les empêcher de foutre le feu au palais. D'accord, de temps en temps un type émergeait du tas d'ordures et s'en sortait. Mais pour chacun de ceux-là, on comptait des centaines de milliers de vagabonds, de types enfermés dans des prisons ou des asiles, et tout autant de suicidés, de drogués et d'ivrognes. Et d'avantage encore qui végétaient dans des boulots honteusement sous-payés et gâchaient leurs meilleures années rien que pour subsister. L'esclavage n'avait pas été supprimé, il s'était étendu aux 9/10 de la population. Partout. Putain de merde!
                                                 Charles Bukowski



Maints braves hommes se sont retrouvés sous les ponts à cause d’une femme.
                                                 Charles Bukowski


Poètes du jour
Charles Bukowski


Fer à cheval


Complètement oublié que j’avais un rendez-vous chez le dentiste
 en début d’après midi.
je suis réveillé par un coup de téléphone
 de la réceptionniste qui me rappelle que je dois être dans le fauteuil à 2 heures.

arrivé à temps
une emprunte est nécessaire pour un
bridge.

Ouvrez grand la bouche, dit le dentiste qui ensuite me glisse ce fer à cheval dans la bouche.

Le fer à cheval est recouvert d’une substance grise puante qu’on applique contre mes dents dans les espaces entre

puis le dentiste quitte la pièce.

pas de nausée, me dis-je, surtout pas, ne
dégueule pas, ne pense même pas à l’idée de dégueuler…

je regarde par la fenêtre et vois
de grands arbres sombres
une ombre puissante
et tout
paraît agréable, gentil et
paisible.

après ce qui me semble un long
moment
le dentiste revient
une gentille dentiste
et elle dit : ouvrez grand
la bouche ! et
tire sur le fer à cheval
mais
la substance grise a
durci et rien
ne
vient.

je vais mourir avec un sabot dans la bouche,
je me dis.

Plus grand, elle dit, et j’obéis et
elle tire de nouveau
et le fer à cheval jaillit
avec son moule
gris.

elle sort
avec.

Bon, je me dis, j’ai survécu à ça,
Je les ai eus encore une
fois…

le dentiste revient : ce moule ne me
satisfait pas, on va devoir en
prendre
un autre… ouvrez grand la bouche !

elle met le nouveau fer à cheval dans ma bouche
puis
quitte la pièce
pour revenir un instant
plus tard : n’oubliez pas de
respirer…

mmmmm, je fais.

je me tourne de nouveau vers les grands arbres
sombres en me disant : ça ne finit donc
jamais ? toutes ces choses auxquelles
on n’est
jamais
préparé ?

non, répondent les arbres qui s’agitent sous la
brise, ça ne finit jamais avant que ça finisse
pour de bon…

mais je vais dégueuler ! je
réponds.

Loin au sud l’océan
rugit
et loin au nord
les montagnes s’en
moquent.





L'enfer est un endroit solitaire  

il avait 65 ans, sa femme 66 et
la maladie d'Alzheimer

il avait un cancer de la
bouche.
Il y avait
des opérations
des rayons
qui abîment les os de sa
mâchoire
dans laquelle on dut mettre
des fils

chaque jour il langeait sa femme
avec des couches de caoutchouc
comme un
bébé

incapable de conduire dans son
état
il devait prendre un taxi jusqu'au
centre
médical,
avait des difficultés à parler
devait
écrire ses
instructions.

à sa dernière visite
on l'informa
qu'il devait subir une nouvelle opération: un
bout
de joue et un bout de
langue.

en rentrant chez lui
il changea les couches de sa
femme
mit à chauffer les
repas télé, regarda les
informations du soir
puis alla dans la
chambre, prit le
revolver, le posa contre la tempe
de sa femme, tira.

elle tomba  sur le côté
gauche, il s'assit sur le
canapé
mit le canon dans sa
bouche, pressa la détente.

les coups de feu ne toublèrent pas
les voisins

les repas télés qui brûlaient
si.

quelqu'un arriva, poussa
la porte,
vit.

la police
arriva
fit le travail
habituel, trouva
des choses:

un livre de caisse
d'épargne vide et
un carnet de chèque avec
un solde de
1 dollar 14

suicide, ils
conclurent.

trois semaines plus tard
il y avait deux
nouveaux locataires:
un informaticien
du nom de
Ross
et sa femme
Anatana
qui prenait des cours de
danse.

ils avaient l'air de n'importe quel
couple en phase d'ascension
sociale.



Le blogueur
Les suicidés










Quand je les fais défiler dans ma tête

Je ne peux m'empêcher de penser à Stephen Zweig.
Zweig qui s'enlève la vie à l'apogée du troisième Reich.
Zweig qui fait échec et mat en se jouant de son joueur d'échec.

Je revois le visage d'Arthur Koestler et sa femme.
Les deux fuyants la vie par l'entremise de la mort.

Je revois César Pavese se préparant à l'étape ultime.
Je parcours son journal, sorte de notice nécrologique.
Passages à rebours de sa vie.

Je repense encore au poète Saint-Denis Garneau.
Auquel on aurait souhaité qu’il cède à la tentation à la toute fin.

Propos délibérés.
Mort délibérée.
Mort anticipée.
Mort programmée.

Pouvaient-ils échapper à leur destin.
Peut-on échapper à son destin.








Un grand écrivain américain, CHARLES BUKOWSKI.

Première responsabilité du romancier: se faire l'avocat du perdant.
                                    Mordecai Richler 


Article du jour : Une sale nuit

Monty était déprimé, enfin pas vraiment déprimé, juste découragé devant la situation, tout ce cirque, l'existence. Il était 9 heures un vendredi soir et il se trouvait seul dans son appartement après avoir terminé sa semaine de 5 jours en tant que contremaître dans une usine d'appliques lumineuses. Il devant parfois travailler le samedi, mais Dieu merci, ils avient rattrapé leur retard sur le carnet des commandes.  Il détestait son boulot. Il se sentait plus heureux quand il était simple ouvrier. Maintenant il devait surveiller les autres, s'endurcir pour assumer sa tâche. Il avait accepté la promotion uniquement pour le supplément de salaire et à présent il regrettait, et faisait même plus que regretter. Mais il avait 47 ans, et toute sa vie durant il n'avait connu que boulot stupide après boulot stupide. C'était un travailleur manuel, et il n'avait jamais exercé un métier décent.

Rien à la télé. Monty se servit un scotch. Il avait été marié 2 fois. Et à chaque fois, le début avait paru prometteur. Ils riaient et se comprenaient , et sur le plan physique, aucun problème avec l'une comme l'autre. Mais petit à petit les mariages devenaient des boulots. Ils manquaient de la diversité. Et bientôt, ça tournait à l'affrontement et c'était à qui viendrait le premier à bout de la résistance de l'autre. Ça virait au jeu de haine, et Monty avait les 2 fois abandonné la partie. Avec ses petites amies, ça n'avait guère été différent. Combien d'existences ressemblaient-elles à la sienne? Avec des gens qui se bornent à continuer stupidement, sans raison?

C'était la saison de base-ball. Mais savoir qui allait remporter le championnat ne l'intéressait plus. Le Président revenait juste de Chine, et on racontait qu'une espèce de traité avait été signé avec les Chinois. Monty s'en foutait. Encore des conneries. Ça ne voulait rien dire. Quand la bombe exploserai, les traités exploseront avec. De même que Monty le vieux célibataire.

Il feuilleta le magazine pour hommes qu'il avait acheté comme ça. Les photos de chattes poilues l'assomaient, C'est ça que les hommes voulaient? Quelle sinistre plaisanterie, comme si on enfonçait un manche dans une ventouse. Toujours la même chose, la même chose depuis des siècles. Tu parles d'une monotonie!

Puis il regarda les dernières pages. Il y avait des photos de filles qui l'invitaient à leur téléphoner. Certaines proposaient de sévères punitions. Monty sourit. Il en avait eu sa dose. L'annonce de Donna attira son attention. Donna semblait très bien. Et elle affirmait qu'elle pourrait le faire jouir par téléphone. «Si tu ne jouis pas et que je ne jouis pas ce sera bien la première fois», promettait l'annonce.

Monty finit son scotch et s'en servit un autre. Il en avait assez des bars. Dix ou quinze types qui se battaient tous les soirs pour les 2 ou 3 mêmes putes. Après 3 sonneries, on décrocha:

-    Ici Donna. Je suis prête et je sais que tu es prêt!
-    Salut Donna.
-    Salut, beau mec! Comment tu t'appelles?
-    Monty.
-    Oooh! Monty... je sais que tous les Monty sont bien montés!
-    Je suis plutôt dans la moyenne, Donna.
-    Allons, mon chou, sois pas modeste.
-    Non, non, je ne suis pas...
-    Chéri, avant qu'on continue à parler, il faudrait que tu me donnes ton numéro de carte de crédit, ton nom, et la date d'expiration de ta carte. J'accepte American Express, Master ou Visa. 25$ les 10 minutes.
-    Un instant , je prends ma carte.
-    Très bien, Et tu ne sera débité qu'une fois la conversation entamée.
-    D'accord, c'est parfait.
           Monty prit sa carte Visa et communiqua les renseignements demandés.
  
-    Bien. Ne quitte pas pendant que je demande l'autorisation au centre.
      Monty alla se chercher une bière. Ce genre d'expérience méritait un scotch ET une bière. Il reprit le télphone. Donna n'avait pas fini sa vérification. Un instant plus tard elle revint en ligne.
-    Tout est en ordre, Monty. Maintenant on peut
      commencer, mon chou? Tu es prêt?
-    Je ne sais pas. Dis-moi, Donna, tu fais ça toute la nuit ?
-    Faire quoi toute la nuit, mon chou ?
-    Le téléphone, discuter avec des types ?
-    Mon dieu ! Tu n’es pas encore un de ceux-là?
-    Un de ceux-là quoi ?
-    Un de ces mecs qui veulent juste bavarder ! Je ne veux pas bavarder, je veux travailler !
-     Désolé, Donna.
-    De rien. Maintenant, fais ce que je te dis ! Sors-la, je veux la voir !
-    Mais Donna, tu ne peux pas la voir par téléphone.
-    Crois-moi, je peux la voir ! Et maintenant, sors-là !
Monty  ne la sortit pas. Il vida son scotch.
-    Tu l’as sortie, mon chou ?
-    Oui.
-    Oh ! OUI ! JE LA VOIE ! ELLE GROSSIT, ELLE GROSSIT ! OOOH ! COMME ELLE EST BELLE ! COMME ELLE PALPITE !
-     Merci Donna.
La bite de Monty était toujours dans son pantalon.
Il avait l’impression de tricher. Il ouvrit sa braguette
mais ne vit que son caleçon. Se sentant idiot, il remonta la fermeture éclair.
-    ET MAINTENANT ! MA TÊTE S’INCLINE VERS TOI MA LANGUE POINTE ENTRE MES LÈVRES, ELLE EST SI PROCHE DE TON GLAND, MAIS ELLE NE LE TOUCHE PAS TU VOIS MA LANGUE, MONTY ?
-    Oui, Donna.
-    TU NE TIENS PLUS, CHÉRI ! MA LANGUE EFFLEURE LE BOUT DE TA QUEUE ! TU LA SENS ?
-    Oui, Donna.
-    ET MAINTENANT ELLE CARESSE TON GLAND, ENCORE, ENCORE ! OH ! MONTY !
-    Donna.
-    MAINTENANT JE PRENDS TOUT TON GLAND DANS MA BOUCHE ! MA MAIN SE GLISSE DANS MA ROBE, JE NE PORTE PAS DE CULOTTE ! JE MOUILLE DÉJÀ ! JE ME CARESSE LE CLITORIS, MA TÊTE SE PENCHE ENCORE ET J’AI TA QUEUE ENTIÈRE DANS MA BOUCHE !
-    Mais tu me parles, Donna…
Monty ouvrit de nouveau sa braguette, mais ile ne vit toujours qu’un bout de son caleçon. Il but une grosse bière.
-    MA BOUCHE ET MA LA LANGUE S’ACTIVENT ! TA QUEUE ME REND FOLLE !  JE VAIS LA SUCER JUSQU’À CE QU’IL NE TE RESTE PLUS RIEN ! OH ! MON DIEU ! JE CROIS QUE JE VAIS VENIR ! TU VAS VENIR AUSSI, MONTY ?
-    Oui Donna…
Monty remonta de nouveau sa fermeture éclaire.
-    OOOH ! OOOOH ! OOOOOOH ! OOOOOOOOOH, OOOOOH… OOOH… OOH… OOH… OH… O…
Silence.
Puis Donna reprit la parole:
-    Je n’ai jamais joui comme ça! Tu as joui aussi, Monty chéri?
Monty raccrocha. Il se servit un autre scotch et se demandait s’il n’allait pas appeler Darlene, une de ses anciennes petites amies. Mais ça se terminerait toujours mal. A la place, il rappela Donna.
-    Ici Donna. Je suis prête et je sais que tu es prêt!
-    Reboujour, Donna, c’est Monty.
-    Monty? Dis donc, tu ne viens pas de téléphoner?
-    Si, mais je voudrais recommencer. Tu as vraiment joui?
-    Ouais, bien sûr. Tu veux tout recommencer? Mon vieux, tu dois être drôlement excité! Je vais simplement l’ajouter à ton premier appel. 25$ les 10 minutes.
Donna marqua une hésitation avant de reprendre :
-    Pour la Maîtresse et l’Esclave, c’est 35$ les 10 minutes.
-    Je prendrai le normal, Donna.
-    Comme tu veux, Monty chéri. T’es prêt?
-    Oui, Donna.
-    Oh! OUI! JE LA VOIS! ELLE GROSSIT, ELLE GROSSIT! OOOH! COMME ELLE…
Monty raccrocha. Il reprit le magazine. Il vit une autre annonce. Une jolie fille de votre choix chez vous pour satisfaire tous vos désirs. Il fait le numéro. Il n’y eut qu’une seule sonnerie, et un homme répondit.
-    Ouais? Qu’est-ce vous voulez?
-    Une fille.
-    Ouais? Bon, c’est d’abord pour vous informer que nous n’avons rien à voir avec la prostitution.
-    Vous voulez mon numéro de carte de crédit?
-    On n’accepte que les espèces. 50$ de frais de déplacement plus 50$ la demi-heure.
-    Très bien.
-    Vous avez l’argent sous la main?
-    Oui.
-    Quel genre de fille?
-    Pardon?
-    Je veux dire, nous en avons des grosses, des maigres, des jeunes, des saines d’esprit, des folles, des asiatiques, des noires, des blanches, des rouges, des jaunes, tout ce que vous voulez. On a aussi une unijambiste si vous préférez. Alors?
-    Envoyez-moi simplement la plus belle.
-    Facile. C’est Carmen.
-    Très bien, alors envoyez-moi Carmen.
-    L’homme nota l’adresse de Monty.
-    Okay, dit-il. Carmen part tout de suite…
Sans savoir pourquoi, Monty se sentit nerveux. Il aurait dû aller au match de base-ball. Ou peut-être qu’on passait un film de Woody Allen. Woody avait toujours des ennuis avec ses femmes. Mais toutes ses femmes étaient belles et intelligentes, et elles avaient toujours le temps de faire de longues promenades dans le parc et des trucs de ce genre. Et puis Woody, lui, il avait toujours un boulot bien payé et quand ça n’allait pas avec une belle et intelligente, il lui suffisait de téléphoner à une autre femme belle et intelligente. Des millions d’hommes aimeraient beaucoup avoir les mêmes ennuis avec les femmes que Woody Allen.
Une minute à peine semblait s’être écoulée quand on frappa à la porte. Monty alla ouvrir . Un petite femme courtaude  habillée en noir et en chaussures à courts et ne portait pas de maquillage. On aurait dit une gardienne de prison. Une brutalité naturelle lui collait au visage comme une seconde peau.
-    Bonjour! Je suis Carmen! De Allô Filles de Rêve.
Elle passa devant lui et s’installa dans un fauteuil. Monty referma la porte et s’assit sur le canapé. Il prit son verre de scotch.
-    Vous voulez boire quelque chose, Carmen?
-    Jamais pendant le service.
-    Prenez quand même quelque chose. Pour vous détendre.
-    Je suis déjà détendue. Je suis prête. Tony t’a donné les tarifs?
-    Oui, 50$ pour le déplacement, plus 50$ la demi-heure.
-    La nuit entière, c’est 215$.
-    Je ne pense pas que ce sera nécessaire.
-    Comme tu veux.
Ils restèrent assis à se regarder.
-    J’ai été marié 2 fois, dit Monty. Je n’ai pas trop l’habitude de ce genre de choses.
-    Tu veux une pipe?
-    Non, pas tout de suite.
-    Comme tu veux.
-    Je suis plutôt novice dans ce domaine.
-    T’es fétichiste? Je peux tout faire.
-    Non, rien de semblable.
-    T’es normal?
-    Oui.
-    Alors pourquoi tu te lances pas?
-    Me lancer?
-    Oui, me dire quel est ton truc.
-    Je cherche juste à décompresser un peu. Boire un verre. Vous êtres sûre que vous ne voulez rien boire?
-    Oui.
-    Carmen, vous habitez ici depuis longtemps?
-    Je n’ai pas à répondre à ces conneries.
Monty vida son verre et se resservit.
-    T’es pas pédé? demanda Carmen.
-    Non, non, je ne crois pas.
-    T’en es pas sûr?
-    Enfin, j’aime bien les femmes.
Un long silence s’établit. Monty regrettait de l’avoir fait venir, mais il ne voulait pas froisser ses sentiments. Puis il entendit un bruit. Provenant du sac de Carmen. Elle sortit un petit émetteur-récepteur, tira l’antenne logée sur le côté.
-    Ça va, Carmen? Demanda une voix masculine.
-    Cinglé possible, répondit-elle. Mais situation en main. Garde le contact. Terminé.
Elle rentra l’antenne et remit l’appareil dans son sac.
-    Hé! protesta Monty. Je n’ai rien  qui cloche, je suis parfaitement normal.
-    Tout le monde se croit parfaitement normal. Mais moi je le sais. J’ai toutes les nuits affaires à des types bizarres. Et toi aussi, t’es bizarre, je le sens. Je le sais à ta façon de te comporter.
Monty se versa un nouveau scotch.
-    C’est complètement faux.
-    Tu parles! T’as sans doute envie de taillader une fille. On eu une fille tailladée l’autre soir. Elle sera plus jamais la même. Elle peut plus travailler pour nous. Elle est foutue.
-    Je n’ai jamais fait de mal à une femme!
-    T’es bizarre, je le sais.
-    Ce n’est pas du tout ça…
-    C’est quoi, alors?
-    Je préférerais ne pas avoir à le dire, mais… c’est juste que vous n’êtes pas séduisante.  Je ne vous désire pas.
-    Encore des conneries! Je vois 150 types tous les mois, mois après mois, et je n’en ai jamais rencontré un seul qui ne veuille pas le faire avec moi d’une manière ou d’une autre.
-    Je suis navré d’être le premier. Je ne veux pas dire que vous êtes laide, c’est simplement que…
-    Très bien, l’interrompit Carmen. Ça fera le compte.
-    Qu’est-ce que ça veut dire?
-    Ça veut dire  que je trouve équitable. Vous êtes venue mais il ne s’est rien passé. C’est de l’argent facilement gagné. Tenez.
Il tira un billet de 50$ de son portefeuille, se leva et le laissa tomber sur les genoux de Carmen. Elle le saisit d’un geste vif et le fourra dans son sac. Puis elle regarda Monty.
-    Espèce de sale suceur de bites…
Et c’est elle qui ose m’appeler «suceur de bites»!
Se dit Monty en allant se rasseoir sur le canapé et en remplissant son verre.
Carmen avait sorti son émetteur récepteur. Elle déplia l’antenne.
-    Tony, tony t’es là?
-    Ouais, mon chou, ça va?
-    On a un mauvais payeur ici, Tony, Il a craché que la moitié.
-    C’est pas un Sainte Marie, non?
-    Juste un mauvais payeur, Tony.
-    Okay, retiens-le, j’arrive.
Carmen rangea l’appareil.
-    C’est quoi un Sainte Marie? Demanda Monty.
-    Un flic, répondit-elle.
Ils restèrent assis à se regarder en chien de faïence. Monty se resservit à boire. 20 minutes passèrent, puis on frappa à la porte. Carmen bondit sur ses pieds et alla ouvrir. C’était Tony, la trentaine, blouson de cuir. Dns lequel il avait l’air d’avoir dormi. Il était petit et large, un peu enrobé, et il avait une grosse tête ronde, de petits yeux ronds et une petite bouche ronde.
Il s’avança vers Monty, se pencha au-dessus de la table basse.
-    Okay, dit-il. On prend les 50$ qui manquent et on s’en va.  Sinon, il va y avoir de la casse, et la casse ce sera toi.
Monty renversa la table d’un coup de pied, s’empara du litre de scotch vide et le lui balança sur la tempe. La bouteille se cassa, Tony lâcha un «merde» sonore, s’accroupit, se releva, se débarrassa des morceaux de verre et fonça sur Monty qui se retrouva aussitôt avec une lame de couteau sur la gorge tandis que Tony le tenait par les cheveux et disait :
-    Maintenant, on prend les 50$.
Carmen les contourna et pêcha un deuxième billet de 50$ dans le portefeuille de Monry. Le reste de l’argent, 2 billets de 20$, un billet de 5 et 2 billets de 1, elle le jeta par terre. Tony lâcha Monty. Il pressa le bouton et la lame du cran d’arrêt rentra dans son logement avec un petit bruit sec.
-    Tu vois, dit Tony, on prend uniquement ce que tu nous dois, On dirige une entreprise honnête.
-    Putain, oui! Et une entreprise de classe! ajouta Carmen.
Sur ce, ils se dirigèrent vers la porte et sortirent en refermant derrière eux.
Monty laissa l’argent par terre. Il alla dans la chambre, s’assit au bord du lit, ôta ses chaussures puis s’allongea. Le clair de lune filtrait par les rideaux. Monty réfléchit un instant à ce qui venait de se passer, mais il n’arrivait pas à en conclure grand-chose. Dans l’ensemble, tout était à peu près pareil qu’avant. Il se sentait simple incomplet. Incomplet.  10 minutes plus tard il dormait et dehors on n’entendait plus que le bruit  des grillons et des ivrognes qui essayaient de retrouver leur chemin pour rentrer chez eux. 


Source : CHARLES BUKOWSKILe ragoût du septuagénaire, Le livre de poche.



     
        

   

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