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Garry Davis Encore!!!!!‏






The pack of riders is briefly joined by several sheep during the 17th stage of the Tour de France from Pau to Tourmalet Pass, July 22, 2010. (REUTERS/Bogdan Cristel) 



Citations et Passages du jour

Je n’ai jamais considéré la peinture comme un art de simple agrément, de distraction. J’ai voulu par le dessin et par la couleur, puisque c’étaient là mes armes pénétrer toujours plus  avant dans la connaissance du monde et des hommes, afin que cette connaissance nous libère toujours d’avantage.
                                                                       Picasso


Ce que nous appelons hasard, c’est peut-être la logique de Dieu.
                                                                     Georges Bernanos

J’aimerais connaître les pensées de Dieu, le reste n’est que du détail…
                                                                     Albert Einstein

La machine conduit l’homme à se spécialiser dans l’humain
                                                                     Jean Fourastié

Malheur aux gens qui n’ont jamais tort;  ils n’ont jamais raison.
                                                                     Prince Charles-Joseph de Ligne

Ami est quelquefois un mot vide de sens, ennemi jamais.
                                                                     Victor Hugo

Il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose; cette universalité est la plus belle.
                                                                     Blaise Pascal






Poète du jour :  Didier Feldmann

 http://www.planeteslam.com/slameur/Nada/images/nada.gif

Abribus 156

 

La belle des Galeries Lafayette. Il n’y a dans cette nuit
vide que cette femme de publicité. Elle habite dans
les abribus. Se protégeant des regards par une vitre.
Elle est seule. Elle habite dans les abris de bus, seule,
se protégeant des regards par une vitre. Une fenêtre
fermée. Elle est seule et habillée de noir. Une fenêtre
fermée devant elle pour protéger du temps. A sa
fenêtre fermée, habillée de noir, elle veille pour se
protéger du temps, la lumière allumée. Son visage
est parfaitement maquillé. La lumière allumée aplatit
son visage, fausse les perspectives. Elle est grande,
habillée de noir, seule, éclairée par une lumière
fadasse. Une lumière sans relief qui souligne son parfait
maquillage. Son regard est seul aussi, il ne
cherche, ni ne trouve quelque chose à regarder. Dans
la journée, fenêtre fermée, elle reste insensible aux
milliers de regards des gens. Que les gens déposent
sur elle. Lumière allumée de femme seule, qui berce
la nuit vide.
Elle ne dort pas, reste en éveil. Les milliers
de regards des gens. Que les gens déposent
sur elle. Lumière allumée de femme seule, qui berce
la nuit vide. Elle ne dort pas, reste en éveil.
Les milliers de regards n’altèrent pas le sien. Protégée par la
vitre fermée, lumière toujours allumée, elle compte les
jours qui lui restent. Et ne rêve pas.
Son corps à l`étroit ne souffre pas. Son sourire est
seul aussi. Elle a un chapeau rouge et une robe noire
Un chapeau rouge en forme de cœur. Sa robe noire
la découpe sur le fond blanc du décor. Son corps
détouré est moulé par cette robe noire. Sa robe noire
est un fuseau qui efface les formes de ses seins, de
ses jambes. Elle est seule, en noir, avec son cœur
rouge sur la tête. Son cœur rouge sur sa tête est seul.
Derrière la vitre ils sont trois : elle, sa robe, son
cœur en forme de chapeau rouge. Ils vivent ensemble
à l’unisson de l’image. Ils vivent ensemble derrière
la vitre qui les retient. Sa robe est jolie. Son cœur rouge
est joli. Elle est jolie. Elle est intouchable. Elle retient
son souffle derrière la vitre. Son cœur rouge tache la
vitre qui protège et l’enferme. Parfois un tube néon
ne fonctionne pas. Elle est alors demi-teinte. En
demi-vie. Parfois, la pluie s’est infiltrée en elle.
Elle est alors ondulée, son cœur rouge déformé est
grotesque. Parfois un tag lui tatoue le visage. Sur son
visage de solitude. Sur son visage de solitude qui
habite la nuit. Sur son visage de solitude qui habite la
nuit vide et sale de la ville. Sur son visage de solitude
qui habite la nuit vide et sale de la ville. Qui dort.


Comme dans le dernier article, Garry Davis est de nouveau à l’honneur sous la plume de Robert Lévesque


Article du jour : Si l’ONU était l’ONU, Garry Davis
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Auteur : Robert Lévesque

Aujourd’hui, en 2015, le monde serait en paix – eh oui! Et nous ne connaîtrions pas la famille Bush – si l’aviateur Garry Davis avait gagné le spectaculaire combat qu’il mena en 1948. Garry Davis? Ne le cherchez pas dans les dictionnaires. Il faut avoir dans les cinquante balais et plus pour se souvenir de ce soldat américain qui, cette année-là, campa durant 4 mois devant l’Organisation des Nations Unies quand elle siégeait à Paris, au palais de Chaillot…

Les étudiants qui ont de bons profs d’histoire du XX ième siècle, des profs qui ont gardé  de leurs années soixante le sens de la fleur  et du haschisch, en ont sûrement entendu parler, de ce Garry Davis avec ses deux r. Ce jeune homme dans la vingtaine, qui avait bombardé des villes françaises dans les troupes du général Patton, devint une vedette internationale lorsqu’en mai 1948 il déchira à la face du monde sa carte de citoyen américain.

Le soldat Davis tenta alors de créer un mouvement international pour promouvoir la paix mondiale; renonçant à sa citoyenneté américaine, il se proclamait «citoyen du monde». L’affaire avait fait grand bruit car l’utopiste aviateur, yeux bleus cheveux blonds, avec derrière lui le bottin de l’intelligentsia parisienne, Camus, Sartre, Breton, Paulhan, Queneau, Vercors, Richard Wright, l’abbé Pierre qui avait 36 ans, Simone qui en avait déjà 40 sous le turban et Pierre Bergé, oui, le Bergé d’Yves Saint-Laurent, qui avait 18 ans et qui en parle dans ses souvenirs parus chez Gallimard (Les jours s’en vont, je demeure).

Le 19 novembre 1948 – grande date dans la petite histoire – Davis, qui s’était glissé au premier rang du balcon dans l’enceinte de Chaillot où siégeait les représentants des pays membres de la jeune Organisation des Nations Unies, celle présidée par le Norvégien Trygve Lie, interrompit le représentant de l’URSS pour lire une déclaration où il appelait à prendre au sérieux le rôle de l’ONU pour en faire vraiment le gouvernement mondial. On l’arrêta, un chahut s’ensuivit et la police mis la main au collet de quelques partisans, dont Camus et Bergé qui se rappelle qu’au petit matin on les libéra (sauf Davis) et qu’il alla prendre un café avec Camus à la brasserie du coq (« j’ai gardé de cette nuit un souvenir vif», «On pouvait interrompre une séance de l’ONU»).

Le 20 novembre, Camus et Sartre tenaient, au nom d’un «Conseil de Solidarité», une conférence de presse pour faire ressortir l’importance de cette arrestation qui plaçait l’ONU «dans une situation inextricable», puisque cette mesure d’arrestation visait un homme qui défendait la cause même que l’ONU prétendait soutenir… Le mouvement d’opinion allait se répandre et, durant cet hiver 1948-1949, le soutien à Garry Davis suscita des meetings monstres à travers la France. A Paris, dans ce même «Vél d’Hiv» où, 6 ans plus tôt, on avait parqué les juifs en partance pour les camps de la mort, 20 000 personnes se disaient prêtes à brûler leurs papiers d’identité et à se déclarer «citoyens du monde ».

Le 3 décembre, à la salle Pleyel, Camus se livra à un dialogue avec lui-même dans un numéro intitulé «A quoi sert l’ONU?», glissant dans la ferveur du moment un peu de maïeutique grâce à un jeu de questions-réponses qu’il allait publier dans les pages de Combat. Une des questions était la suivante : « Le geste de Davis ne vous parait-il pas spectaculaire, partant suspect?»

Sa réponse : «Ce n’est pas de sa faute si la simple évidence est aujourd’hui spectaculaire. Toute proportion gardée, Socrate aussi donnait des spectacles permanents sur la place des marchés. Et on n’est pas arrivé à lui prouver qu’il avait tort, sinon en le condamnant à mort. C’est justement la forme de réfutation qui est la plus usitée dans la société politique contemporaine. Mais c’est aussi la manière la plus ordinaire qu’a cette société d’avouer sa dégradation et son impuissance.»

Pierre Bergé n’est pas Camus, loin de là, mais à l’époque, avant de mener la carrière que l’on sait dans la haute couture, l’opéra et l’amitié présidentielle avec Mitterrand, c’était un jeune homme fervent, et cette année-là de 1948, qui était aussi celle où l’on venait d’assassiner Gandhi à Delhi en janvier, il publia 2 numéros d’un journal ronéotypé, La Patrie mondiale, où, laissant entendre, donc, qu’il avait été à la source du geste de Garry Davis.

C’est peut-être vrai, laissons la chance au conteur et oublions le grand bourgeois de la gauche caviar quand il écrit ceci : «Le mérite de Garry Davis fut d’avoir compris que l’utopie pouvait mobiliser les volontés, qu’elle seule balisait le futur, comme le compas indique le cap. D’avoir compris que sans utopie il n’y a plus de rêve, mais des calculs où le pragmatisme le dispute au renoncement.»

Sur l’«utopie» du soldat Davis, Camus, lui, disait à ceux qui l’évoquaient devant lui qu’ils lui faisaient penser à ces chefs de famille qui, au nom des réalités, mettent en garde leurs rejetons contre l’esprit d’aventure : «Finalement, il arrive que le rejeton honore la famille dans la mesure où il a désobéi à son père et quitté l’épicerie natale.»

On ne sait pas s’il est mort, le soldat Davis, on a perdu sa trace. S’il vit, il doit bien avoir dans les 78 ou 79 ans. Chose certaine, il n’est jamais retourné aux USA qui n’ont jamais voulu lui délivrer un passeport…


Source : Récits bariolés : Robert Lévesque

Robert Lévesque - Récits bariolés





















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