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André Major / Citations‏



Zhang Jie and Zhongni, two six-week-old North Chinese Leopards are seen during a name giving ceremony at Hagenbeck Zoo on April 8, 2009 in Hamburg, Germany. (Joern Pollex/Getty Images) #



Citations du jour


La beauté est la forme d’éloquence qui dispense de tout effort : elle n’a qu’à paraître pour imposer son règne.                                                                                          
                                                                      André Major



Qu’est-ce qui vous fascine tant dans l’histoire? Savoir d’où l’on vient, car si on ne le sait pas et si on ne connaît pas nos racines, on ne peut pas s’identifier comme quelqu’un, comme un personnage ou comme un peuple.
                                                                      Marcel Tessier



De tous les niveaux composant la réalité, celui de la spécificité  nationale est le premier qui doit se mettre en question parce qu’il est justement le premier qui, soutenu par des raisons politiques et sociales, feint d’être indiscutable.
                                                                      Juan José Saer



L'Uruguay "reste un des pays avec la plus grande culture football", "où le foot est important pour les passionnés mais aussi pour les autres"
"On se base sur cette culture qui se transmet. Le jouet le plus important
 qu'on donne aux enfants, c'est un ballon", dans ce pays où un tiers des jeunes de 6 à 13 ans sont inscrits dans un club, conclut-il.
                                                                       Sélectionneur Oscar Tabarez



Il y a une exubérance de bonté qui ressemble à de la méchanceté.
                                                                      Friedrich Nietzsche








Poète du jour :  Jacques Prévert





Poème : Déjeuner du matin

 

Il a mis le café

Dans la tasse

Il a mis le lait

Dans la tasse de café

Il a mis le sucre

Dans le café au lait

Avec la petite cuiller

Il a tourné

Il a bu le café au lait

Et il a reposé la tasse

Sans me parler

Il a allumé

Une cigarette

Il a fait des ronds

Avec la fumée

Il a mis les cendres

Dans le cendrier

Sans me parler

Sans me regarder

Il s'est levé

Il a mis

Son chapeau sur sa tête

Il a mis son manteau de pluie

Parce qu'il pleuvait

Et il est parti

Sous la pluie

Sans une parole

Sans me regarder

Et moi j'ai pris

Ma tête dans ma main

Et j'ai pleuré.


Article du jour : L’Esprit Vagabond, André Major

http://www.ecrivain.net/ferron/images/major_andre2.jpg

Passage 8, p 153
 Kafka, donc, je me rappelle l’avoir découvert à 16 ans, un peu par hasard, puisqu’à cette époque j’achetais sans discrimination ce qui paraissait dans Le Livre de poche, sans savoir sur qui ou sur quoi je tombais – une semaine c’était Bazin, la semaine suivante Malraux ou Loti.

 A la fin de ma Versification, alors qu’il ne me restait qu’un examen de mathématique à passer, j’ai acheté La Métamorphose en ignorant tout de son auteur. C’était une belle soirée de juin, et mon père, sitôt sorti de table, m’avait proposé de m’aider à réviser ces fameuses mathématiques, invitation que j’avais déclinée sous prétexte que tout allait bien.
 Je voulais avoir un peu de temps pour jeter un coup d’œil sur la nouvelle de Kafka. Une fois jeté, ce coup d’œil a duré jusqu’au dénouement d’un récit qui avait bouleversé l’adolescent que j’étais. A tel point que le lendemain matin, au lieu de me présenter au collège, j’ai menti à ma mère en lui disant que j’en avais fini avec les examens, et je suis parti pour la campagne en faisant de l’autostop. 2 heures plus tard, sous un ciel bleu, j’arrivai chez mon grand-père ravi de me voir, mais moins que moi de me retrouver au bord du lac, à respirer l’odeur des pins. Tandis que je flânais aux alentours, grand-père avait reçu un appel de ma mère lui demandant de me renvoyer à Montréal où l’on m’attendait jusqu’à je ne sais quelle heure pour me faire passer mon examen.

 Soit que je fusse hors de sa portée, soit que grand-père eût oublié de m’en faire part, je n’ai pas su qu’on me faisait la faveur de retarder mon examen, le temps qu’il me fallait pour revenir là où j’aurais dû me trouver dès le matin. Mais ce vendredi-là, quand mes parents sont arrivés à la grand-maison, j’ai appris que mes vacances se passeraient en ville pour la première fois de ma vie et que je les occuperais en travaillant et en étudiant en vue d’une reprise de mon examen.

 Il m’a fallu trouver un emploi chez un grossiste de produits pharmaceutiques dans le Vieux-Montréal, mais je dépensais le plus gros de mon salaire chez le libraire Tranquille, et au lieu de préparer mon examen avec mon ami Alain, je buvais de la bière avec lui en écoutant Brel et Brassens à tue-tête ou bien en commandant des pizzas et du poulet grillé au nom du curé, que je pouvais voir gesticuler de colère à la porte du presbytère. Si la Métamorphose m’avait privé de mes vacances à la campagne, elle avait eu comme effets secondaires de m’initier au monde des gagne-petit et au plaisir d’acheter des livres qui n’avaient pas forcément paru en Livre de poche.

 Je m’étais ainsi payé Les Chambres de bois d’Anne Hébert et Mon Faust de Paul Valéry pour que Tranquille cesse de m’en rabattre les oreilles. Comparés au récit de Kafka, ces livres-là ne me semblaient pas faire le poids. Je commençais à me faire une idée un peu plus précise de ce qui comptait pour moi, assez du moins pour placer Malraux et Bernanos en tête de mon palmarès. Mais avant tout ça, j’ai raté me reprise, avec une note inférieure à 10%- une honte pour mon père qui ne jurait que par les sciences. Une honte aussi parce que je doublais ma versification.

Passage 9, p 173
 De ma première lecture du Voyage au bout de la nuit, alors que j’avais 18 ans, je peux dire qu’elle a été l’une des plus déterminantes, la plus forte après celle de La Métamorphose. La radicale négativité et la totale défiance de Bardamu a longtemps été sinon un modèle, du moins une sorte de porte-parole qui dépassait ma pensée tout en l’exprimant. D’autres voix m’ont heureusement permis d’aller plus loin dans la connaissance de celui que j’étais ou que je tendais à devenir : celles de Giono et de Faulkner, juste avant que celle de Tchekhov m’apprenne à sourire au lieu de grimacer. Mais ce fameux Voyage, je l’ai tout de même relu 3 ou 4 fois. Les chroniques des dernières années, elles, je les ai moins relues, bien que je fusse toujours sensible à ce qu’il se plaisait à appeler sa petite musique. Céline était, et demeure, avec quelques contemporains que lui-même reconnaissait comme des pairs – Ramuz et Proust -, un styliste acharné à forger ce qu’il appelait un langage de l’émotion.

 Passage 10, p 175
Feuilletant Vie et Destin de Grossman – roman terminé au début des années 1960 et gardé secret, il n’a paru qu’en 1980 en Occident, après la mort de son auteur -, je retrouve des traits au crayon qui attire mon regard et me font relire des passages de ce genre : « Mais comment faire quand une part de vous-même est étrangère au temps présent… On ne peut pas rompre avec soi-même», pas plus, suis-je tenté d’ajouter, qu’avec son propre temps. Essayez donc de créer quoi que ce soit en réfutant cette réalité du temps historique, en misant sur une intimité recroquevillée sur elle-même. Le monde nous fait autant que nous le faisons, et nous défait autant que nous le défaisons en l’interprétant. Qu’on soit étranger – et même hostile – à une large part de son époque, il faut savoir le reconnaître et ne pas se détourner de cela même qui constitue la trame du destin collectif, le refuser en bloc n’ayant pas plus de sens qu’y adhérer les yeux fermés. Car tel qu’il se présente à nous, il demeure notre seul espace vital, à moins qu’on ne préfère être rongé par la nostalgie du passé ou ébloui par un avenir mirobolant.



Passage 11, p 179
  Depuis que l’espérance est devenue la vertu que les fanatiques disputent aux croyants, l’homme sans Dieu ni paradis sur terre n’attend plus rien, comme si vivre au quotidien était le seul horizon de son existence, et qu’il se contentait du devoir animal de perpétuer l’espèce et d’obéir aux préceptes de l’économie de marché. Vivre de son mieux, dans le souci du bien-être de ses proches, il n’y a là rien de honteux. Mais, devant cet horizon désertique, l’écrivain ressent une sorte de vertige où ses mots cherchent leur sens, son langage un écho qui le justifie en lui confirmant au moins qu’il témoigne d’un malaise plus grand que le sien, qui le dépasse et qu’il ambitionne de dépasser, bien qu’il doute de jamais y parvenir. Voilà bien le pauvre espoir sur lequel se fonde son pari.

Passage 12, p 192
 Ce doit être une grande souffrance pour une femme qui a été belle, et de ce fait dispensée de tout effort pour plaire, que d’assister à la dissolution graduelle de sa beauté jusqu’à se sentir devenir peu à peu invisible aux yeux des autres. Guère plus enviable le sort de celui qui déborde de désirs non partagés et qui jamais n’étanchera sa soif. La stérile rumination du désir à laquelle il se sait condamné, voilà bien un enfer parmi tous ceux qui existent sur cette terre.

Passage 13 p 199
  Nietzsche est bien le seul philosophe que je lis et relis, depuis que j’ai quitté le collège plus de 30 ans. Pour moi qui ai si peu l’esprit de système, il était et il demeure le penseur à l’écoute duquel je pouvais le plus naturellement me mettre, et avec le plus grand profit. Peut-être parce que sa pensée – dans sa recherche joyeuse et obstinée de l’austère beauté de toute vérité – est une esthétique avant d’être une morale. Sa pensée passionnée vibre encore dans son style si vif et si nu qu’on le dirait plus actuel que celui de la majorité des penseurs contemporains. Lui qui se voulait inactuel, il est plus proche de nous qu’il était de ses frileux contemporains. Lui pour qui «le comble de l’humanité est d’épargner la honte à quelqu’un», il passe encore pour un mauvais esprit ou, à tout le moins, un contempteur forcené de ces bons sentiments qui font la fortune des profiteurs de toutes tendances.

Passage 14, p 201
Mais pourquoi cette prédilection pour les grands et petits maîtres russes? Parce que – j’y crois pour l’avoir maintes fois ressentie – une sorte de familiarité, de connivence presque physique, m’enveloppe dès que j’entre dans l’ambiance de  serre chaude, ou plutôt dans la touffeur existentielle de Bounine, de Tolstoï, de Gogol, de Babel, de Mandelstam, de Dostoïevski et, bien sûr, de Tchekhov. Cela date curieusement de la lecture de La vie passionnée de Dostoïevski racontée par Tassos Athanassiadis, peu après que j’eus erré avec Miche Strogoff dans ce voyage et cet univers russes qui m’ont si fortement impressionné que j’en ai été en quelque sorte contaminé à jamais.


Source : L’esprit Vagabond, Carnet : André Major


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