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Mask of Sorrow / Dany Laferrière / Un vidéo / Pis des citations...‏


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Je suis hanté par la vue de  cette statue, cette dernière est une oraison funèbre aux victimes des goulags.  J’ai lu sur la littérature des camps, je ne peux m’empêcher de la contempler à travers le regard du plus grand  des écrivain : Vadim Chalamov


Article du jour 1 : Un premier monument aux victimes de Staline


Le Monde, jeudi, 13 juin 1996, p. A17
Reuter

Magadan, Russie - Un monument commémoratif a été inauguré hier, à Magadan, en mémoire des millions de prisonniers morts dans les camps de travail de Staline, mais beaucoup d'habitants de ce lointain port du Pacifique comptent néanmoins voter communiste à l'élection présidentielle russe de dimanche.
Des centaines de personnes ont bravé un vent glacial et gravi une morne colline pour contempler le mémorial, à demi noyé dans la brume arrivant de la mer d'Okhotsk.

Ce monument de quinze mètres, sculpture de béton, d'acier et de bronze due à l'ancien dissident Ernst Neizvestny, représente un visage saisissant portant le nom de «Mas».
Il s'agit du 1er ouvrage de ce genre en Russie en souvenir des innombrables victimes de l'ère stalinienne.

«Ceci est l'histoire de notre pays. Nous devons la connaître et ne jamais l'oublier», commentait Paulina Myasinkova, fragile vieille dame de 86 ans tenant un bouquet d'oeillets rouges d'une main qui tremblait de froid. Étudiante à Moscou en 1937, au plus fort des purges staliniennes, elle avait été déclarée «ennemie du peuple» et reléguée à Magadan pendant 18 ans.
De 1932 à 1956, des millions de détenus politiques furent acheminés à Magadan, centre administratif des camps de travail forcé mis en place par Staline dans le nord-est de l'URSS, à 6000km environ à l'est de Moscou.

Les prisonniers étaient dirigés sur l'un des 160 camps éparpillés dans une toundra sans limites, pour travailler dans les mines d'or et d'argent du Dalstroi, administrées par le NKVD (police secrète). Livrés à des températures polaires avec des vêtements de fortune, beaucoup mouraient de faim quand on réduisait leurs faibles rations en cas de rendement insuffisant.

En prévision du scrutin du 16 juin, l'équipe de campagne de Boris Eltsine a eu soin de donner à la cérémonie toute sa force symbolique, en soulignant qu'un vote pour le communiste Guennadi Ziouganov ramènerait les camps et la terreur.
«Nous devons empêcher un retour à l'époque où les tueries et la mort étaient des choses normales», a déclaré Alexandre Iakovlev, inspirateur de la politique d'ouverture (glasnost).




 





Vidéo du jour : Werner Hezog

http://vodpod.com/watch/3100487-werner-herzog-on-q-tv



Citations du jour

On doit commencer à écrire même quand on ne sait pas quoi dire
                                              Dany Laferrière

Le tact consiste à prendre les autres tels qu'ils se voient
                                              Abraham Lincoln

Je ne suis pas venu au monde pour écrire, j'écris pour venir au monde
                                     José Acquelin

Une des rares images que j'emporterai de la terre sera celle du ciel
                                     José Acquelin

L'oiseau est certitude, le vol est confiance
                                     José Acquelin

Ne me casse pas. Je suis tout ce que j'ai
                                              Réjean Ducharme

Les gens libres se tournent spontanément vers le futur pour créer comme projet d'aventure à venir, même s'il  sera souvent modelé par les regrets et les occasions perdues d'autrefois. Pas les enfants abandonnés. On aurait dit que leurs privations passées avaient bloqué cette voie, et ils se tournaient tous vers un jadis magique qu'ils embellissaient de jour en jour, jusqu'à le transformer en paradis perdu. Il est en fait impossible d'exister dans la seule défaite, en glissant sans cesse vers le futur sans armes ni bagages.
                                    Sergio Kokis



Article du jour 2 : La rue Saint-Denis

Le bruit sourd des voitures roulant sur la rue Saint-Denis. Ma rue fétiche. J’ai arpenté pendant si longtemps cette rue bordée de restaurants indiens, grecs ou libanais, de petites librairies de livres usagés, d’épiceries de produits de produits exotiques, de magasins de batik. Surtout la section qui se trouve au sud de la rue Sherbrooke : arrivé là on n’a plus qu’à se laisser glisser jusqu’à la rue Ontario (la petite pente peut se révéler dangereuse en hiver si les cols bleus de la ville oublient ou tardent à jeter du sel sur le trottoir couvert d’une mince couche de glace).

C’est ici que commence mon territoire. C’est incroyable comme cela se passe. On débarque dans une ville. Au début, on n’y comprend rien. Aucun repère. Surtout dans mon cas, où le nouveau s’opposait si violemment à l’ancien : je venais d’un pays de Nègres où il fait chaud presque tout le temps pour tomber dans un pays de Blancs où il fait froid presque tout le temps. Tout avait changé autour de moi. D’abord la notion du temps est si différente chez moi.

Au Québec, les gens courent après le temps, tentant désespérément de le rattraper, alors qu’en Haïti on tente quotidiennement de le tuer. Et cette vision du temps ne découle pas d’un plus grand respect des autres au Québec, ni de cette mythique efficacité nord-américaine, ce n’est tout au plus qu’une des conséquences de la rigueur de l’hiver. Il n’est tout simplement pas recommandé de faire attendre quiconque dehors quand la température frôle les moins vingt degrés (bien sûr, on pourrait passer le temps dans un bar bien chauffé). Dans un pays chaud, la rue est un théâtre  si vivant que la personne qui vous attend ne risque pas trop de s’ennuyer. C’est tellement vrai que j’ai remarqué qu’en été sur la rue Saint-Denis, assis à la terrasse d’un café avec une salade César et un verre de vin rouge, on devient définitivement plus indulgent pour les retardataires.

 Cela faisait un peu plus d’un mois que j’étais à Montréal quand je suis tombé par hasard sur la rue Saint-Denis. Et mon regard sur cette ville a tout de suite changé. A partir de ce moment, je me suis identifié à Montréal, C’était devenu ma ville. Voilà un endroit où, enfin de rencontrais sans cesse des gens à qui je n’avais pas à expliquer ma vision du monde. J’imagine que c’est le même sentiment que doit éprouver un jeune homosexuel qui, après avoir quitté sa banlieue conservatrice, débarque un matin dans le village gay. De l’air! On se dit qu’on est enfin chez soi. Et là (dans cette section au sud de la rue Ontario), on trouve les petits cafés où l’on peut rester des heures à siroter un simple thé, sans trop se faire emmerder par des serveurs ailleurs si agressifs.

 Je me tenais souvent au café la Galoche, un petit bar assez moche, pas loin de la rue Maisonneuve. Une douzaine de tables jetées pêle-mêle dans une minuscule pièce assez sale, mal aérée et mal chauffée où il fallait garder nos manteaux sur nous si on ne voulait pas attraper la crève. Les toilettes étaient placées si près des clients qu’on entendait les bruits que faisaient les gens en pissant. Pour descendre à La Galoche, je passais devant la librairie Québec-Amérique, où une des filles de la librairie, Dominique, m’offrait souvent un bouquin (en poche tout de même) qu’elle me laissait choisir.

 A l’époque, mes dieux étaient Borges, Bukowski, Gombrowicz, Baldwin, Tanizaki et Montaigne (cela n’a pas changé à part quelques noms qui se sont ajoutés – Limonov, Diderot, Horace, Selby), Je m’installais dans un des coins du café, le plus loin possible de la porte (à cause des courants d’air glacial qui s’engouffrait dans la salle chaque fois qu’un nouveau client arrivait) pour causer longuement avec mon ami Borges. Je ne quittais le café que pour rentrer dans ma petite chambre me préparer un rapide souper.


Source : Je suis fatigué: Denis Laferrière



 










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