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Danene Birtell and Dr. Erica Miller of Tristate Bird Rescue and Research and Heather Neville rinse off an oiled brown pelican which was captured on a barrier island off the fragile Louisiana coast on Tuesday, May 4, 2010 at a triage center in Fort Jackson, Louisiana. (MIRA OBERMAN/AFP/Getty Images)


Citations et Passages du jour


Le golfe du Mexique est un très grand océan. La quantité de pétrole et de dispersant que nous y déversons est relativement petite par rapport au volume d’eau total.

Tony Hayward, patron de BP, minimisant l’impact de la fuite de pétrole dans le golfe du Mexique lors d’une entrevue avec le journal britannique The Guardian.
                                               Tony Hayward




Je pense qu’ils  (En parlant de l'administration d'Obama) croyaient vraiment que BP avait de bonnes intentions dans cette affaire. Ils sont naïfs! BP essaie d’éparner de l’argent… Ils ne nous diront rien et, bizarrement, le gouvernement semble accepter cela! Quelqu’un doit aller les voir et leur dire : “Ces gens ne vous veulent pas du bien! Ils vont vous couler!
                                                 James Carville



L'homme seul couche chaque nuit avec la mort
                                                 Albert Camus

   
Fernand Dumont, travaillant jusqu'à la fin, livre après livre. La force, le courage, la foi qu'il faut. Le jour même de sa mort, son fils avait téléphoné à l'éditeur pour lui annoncer l'arrivée d'un nouvel ouvrage.
                                                Gilles Marcotte


Jacques Brault, à qui l'on parlait de la violence chez Victor-Lévy Beaulieu, disait: ¨Il n'est pas violent, il exagère.¨
                                                Gilles Marcotte


Petit voyage à Ottawa, pour être officiellement reçu dans l'Ordre du Canada, en compagnie d'une trentaine de personnes de tous les coins du pays. Le gouverneur général a fort bien fait les choses, bien parlé. J'ai passé  un mauvais moment - mais personne d'autre que moi ne s'en est aperçu - lorsqu'on m'a désigné comme ¨un grand penseur¨. Où diable ont-ils été chercher ça? Je ne suis même pas un penseur; alors un grand... C'est sans doute une erreur de traduction. Vu, rencontré des gens extrêmement, naïvement heureux de faire partie de l'Ordre du Canada. J'ai accepté cet honneur par devoir, pour laisser savoir que je ne suis pas fâché d'être citoyen de ce pays, et peut-être pour embêter un peu ceux qui veulent le démembrer. J'en ai été pour mes frais: personne, au Québec, n'a eu vent de ma nomination. Ça m'apprendra. Aussi durant ce séjour à Ottawa, donné une entrevue de 5 minutes à la radio et une autre d'une minute vingt à la télévision, à propos de mon dernier roman. C'est la gloire.
                                     Gilles Marcotte
 

Article du jour 1 : Robert Lévesque, un drôle d’oiseau!



Arts et spectacles, samedi, 3 mai 1997, p. D10

Théâtre

Robert Lévesque: Passion mordante
Le critique publie «La Liberté de blâmer», des carnets au parfum de pamphlet

Saint-Hilaire, Jean

Le milieu, qui redoutait ses coups de gueule, brandissait comme des étendards ses avals. En 16 ans au quotidien Le Devoir, le critique Robert Lévesque s'est construit une réputation de redoutable bretteur de l'écriture et d'analyste sans complaisance - intransigeant diraient certains - de la vie théâtrale québécoise.
Robert Lévesque a rompu l'an dernier avec le quotidien montréalais, dans des circonstances houleuses, mais il n'a pas déposé sa plume. Il la garde au contraire bien aiguisée, comme en atteste le livre de carnets et de dialogues qu'il vient de publier aux Éditions du Boréal sous le titre de La Liberté de blâmer

Un parfum de pamphlet, un boulimique esprit de polémique parcourt cet ouvrage de 198 pages écrit avec une verve élégante et dans lequel l'auteur met en perspective les deux dernières décennies du théâtre québécois, tout en en dégageant une prospective. On tiquera à l'occasion. C'est fait exprès. «J'ai voulu que ce soit un livre très personnel, très vivant, un livre qu'on puisse contester, nous confiait-il plus tôt cette semaine, dans un café de Sillery. On en prendra ou on en laissera, c'est une vision que je propose.»

De fait, on se sent engagé, on communie vite à la trame de ce bousculant aide-mémoire qui se présente comme le roman d'une passion absolue pour la scène. Les «bonnes années», Robert Lévesque a vu 200 spectacles de théâtre. Est-il un critique au Québec qui puisse se targuer de son «répertoire»? La grâce sur scène, il l'a traquée partout où le théâtre dresse bilan de ses hardiesses et magies : à Paris, à Avignon, à Londres, à New York, à Berlin, dont il «couvrait» le festival de cinéma le jour et fréquentait les théâtres le soir.

N'allons surtout pas croire qu'il a commis ce livre en guise d'adieu aux armes. Il signe une critique dans Parachute et tient une chronique du livre à la radio d'État. Non, il l'a écrit simplement en manière de «pause», de prise de recul. «Après toutes ces années, le temps était venu de me donner une vue d'ensemble. J'aurais pu y aller de façon objective ou chronologique, j'ai choisi de faire à ma manière. L'idée des carnets m'est venue spontanément.»

Réalisateur à la radio FM de Radio-Canada, Jean-François Doré a été le déclencheur du projet. «Quand il m'a proposé 15 émissions d'une demi-heure sur mes années à la critique théâtrale du Devoir, j'ai répondu : «C'est trop! Et puis je ne suis pas assez vieux pour écrire mes mémoires... Je me suis mis à la tâche, j'ai dressé ma liste : les comédiens, les comédiennes, les scénographes, le duo Tremblay-Brassard, Lepage, Maheu, Marleau... je suis arrivé très facilement à 15 carnets.»

Un acte littéraire

L'ouvrage est fidèle à sa mise en ondes : un entretien avec le critique et «dramaturge» Stéphane Lépine suit chaque carnet.
Dans sa présentation, Lépine met en évidence que le parcours critique de Lévesque a toujours été celui d'un littéraire. «Toujours Robert Lévesque écrit», fait-il, ce que l'intéressé ne contredit pas. «C'est vrai, pour moi, la critique théâtrale, c'est aussi un art, un art d'écriture qui peut aller jusqu'à la poésie quand tu t'emballes pour une grande interprétation ou une grande mise en scène. À la limite, c'est plus fait pour le lecteur que pour le spectateur et les gens de théâtre. Je m'adresse à un lecteur, pour lui rendre compte de ce que j'ai vu. J'ai la sensation d'écrire pour un lecteur plus intelligent que moi. Je m'adresse à l'intelligence des gens : je cherche à niveler par le haut, pas par le bas.» Il ne se voit pas en défenseur du théâtre : «Il peut se défendre tout seul.»

S'il a eu un maître à penser en matière de critique, ce fut Bruce Atkinson, du New York Times. Il convient que New York n'est pas Montréal et que Montréal n'est pas Québec. Les grandes villes favorisent l'indépendance du critique. «Idéalement, le critique ne devrait jamais réaliser d'entrevues. Il y a des gens de théâtre à New York qui n'ont jamais vu Atkinson.»

Anti-anti-intellectualisme

Robert Lévesque ne ménage pas les coups de dents dans son livre. Il décoche quelques flèches sur Tremblay, invite Lepage à «tuer en lui le magicien» et à s'investir plus à fond dans ses spectacles, stigmatise le «populisme» de la Compagnie Jean-Duceppe, le «gâtisme» du Rideau-Vert, «les institutions gonflées et cancéreuses, les mirabels» qui, selon lui, tiennent lieu, au Québec comme au Canada, de politique culturelle. Il déplore l'impuissance de nos hauts gestionnaires de la culture à dépasser l'équation comptable, à s'élever au despotisme éclairé. Il peste aussi contre le «productivisme» de notre théâtre, sa résignation aux cycles de 24 représentations (20 à Québec), que le spectacle soit bon ou moche, en appelle de la clairvoyance du système français, qui distingue théâtre privé et théâtre public : «Ici, tout est public. Il faudrait soutenir ceux qui prennent de vrais risques.»
Quitter l'ornière ne peut se faire qu'au prix d'«une petite révolution». Il entend bien quelques propos de sédition, les soirs de premières, au bar, mais ce ne sont que velléités, selon lui.

La maigreur de notre appui à la culture est pour lui la contrepartie d'un profond courant d'anti-intellectualisme, courant vivace au sein même de notre théâtre, affirme-t-il. Robert Lévesque a été l'objet d'une fronde du milieu. Certains théâtres l'ont rayé de leur liste d'invités, il devait y payer son entrée, contre toute règle admise dans les démocraties quant aux rapports entre les théâtres et la critique. On a pétitionné contre lui... encore que certains signataires auraient admis avoir agi ainsi pour que Le Devoir dégage plus de surface au théâtre.

Contre l'aigreur, le baume d'une grande rencontre. «Il se fait de bonnes choses dans nos théâtres, mais de très bonnes choses, au plus quatre ou cinq par année», dit ce critique qui ne se cache pas pour dire qu'il juge l'aventure théâtrale à l'aune des plus hautes exigences esthétiques et éthiques. Son anthologie personnelle : à l'étranger, Le Soulier de satin, sa «nuit transfigurée» de juillet 1987, à Avignon, la caresse d'un ange trop vite disparu, Antoine Vitez. Ici, Vie et mort du Roi Boîteux, de Jean-Pierre Ronfard (1981 et 1982), La Trilogie des dragons, de Lepage, dans le Vieux-Port de Montréal (1987), et Mère Courage, de Brecht, à l'Orphéum (1967). Denise Pelletier était la Mère, John Hirsch signait la mise en scène.

Non, qu'on se rassure ou qu'on s'inquiète, Robert Lévesque n'a pas déposé sa plume. Il se donne un an pour accoucher d'un autre livre sur le théâtre, qui sera «une plongée dans l'univers dramaturgique» à partir de quelques textes choisis. Il prépare aussi un ouvrage sur Réjean Ducharme, de plus longue haleine celui-là. Non pas une biographie, mais «une entrée dans le portrait».




Article du jour 2 : Une fois que c’est écrit, (Varlam Chalamov)
 

Lévesque, Robert

 ¨Je suis revenu de l’enfer¨, écrit Varlam Chalamov dans Récits de la Kolyma, lui qui, entre 1929 et 1953, a passé 19 ans de sa vie (libéré en 1932, repris en 1937) dans les camps de travail de la Kolyma, en Sibérie, où les opposants au régime stalinien et d’autres étaient envoyés au moindre motif. Lui, il était étudiant en droit à Moscou et on l’expédia à 22 ans dans un camp de la Vichéra, au nord de l’Oural; on avait trouvé sur lui un texte où Lénine exprimait sa réticence sur le choix de Staline comme successeur… Trois ans ferme.

Puis, en 1937, ¨pour activité contre-révolutionnaire trotskiste¨, avec la directive ¨affectation aux travaux pénibles¨, Chalamov se voyait condamné à 5 ans de Kolyma où il restera 16 ans (on reconduisait la peine pour la moindre vétille). Il y apprendra que son cauchemar avait sa cause dans le simple fait qu’il avait dit qu’Ivan Bounine, le Nobel de littérature de 1933 vivant en exil, était, ¨un grand écrivain russe¨.

¨La Kolyma n’était pas un enfer¨,  écrit en postface des Récits Michel Heller, du moins dans l’acceptation religieuse du terme ou le sens que lui a donné la littérature. Citons-le : ¨C’est une entreprise soviétique, une usine qui fournit au pays de l’or, du charbon, du plomb, de l’uranium, nourrissant la terre de cadavres. C’est une gigantesque économie d’esclaves, qui se distingue de toutes celles qu’a connues l’Histoire par le fait que la main-d’œuvre y est entièrement gratuite. Un cheval a infiniment plus de prix à Kolyma qu’un esclave. Une pelle y a plus de valeur qu’un homme.¨

Il n’y avait pas que des opposants au régime stalinien; s’y trouvaient des truands (qui étaient les privilégiés du système) et de purs innocents arrêtés de façon parfaitement arbitraire.  Dans ces camps jumeaux des camps nazis, la seule différence était l’absence de chambres à gaz. On y mourait autant, cependant, car les conditions de vie (les conditions de mort) étaient suffisantes pour régler l’extermination régulière des ¨crevards¨.

Chalamov écrit : ¨Pendant les années 30, on avait arrêté les gens au hasard… Les professeurs, travailleurs du parti, militaires, ingénieurs, paysans et ouvriers qui remplissaient à foison les prisons de l’époque n’avaient rien de positif derrière eux, hormis, peut-être, leur honnêteté... Ils n’étaient ni ennemi du pouvoir, ni criminels d’Etat et, en mourant, ils ne savaient pas pourquoi il leur fallait mourir.¨

Triomphe du mal absolu (quand l’enfer est supposé être le triomphe de la justice), ces goulags de la Kolyma, décrits par Chalamov, dépassent en force les Souvenirs de la maison des morts où, en 1861, de retour de 4 ans de Sibérie, Dostoïevski avait fait ressortir ¨l’humanité¨ du bagne sans vraiment en montrer toute l’horreur. Chalamov, avec un art d’écrire clair, précis, tout en fragments, comme un puzzle du pire, descend au cœur de l’horreur. Le plus terrible n’est pas description des atrocités, c’est la simple et pure observation de l’homme dans son état ultime. Jamais dans l’histoire de la littérature un écrivain n’avait été confronté à rien de semblable.

A travers les textes plus ou moins courts qui forment ces inouïs et inoubliables Récits de la Kolyma, du petit fait au grand méfait, comme la distribution aux malades de sang ayant dépassé le délai de conservation, on est à même de constater non pas l’inhumaine mais, hélas, l’humaine machine d’extermination d’individus qui ignorent pourquoi on les tue après qu’on les a pressurés à l’os, utilisant jusqu’à leurs dernières forces avant de jeter les cadavres dans le permafrost.

Même s’il dit que le camp est une école négative de la vie et qu’aucun homme ne devrait voir ce qui s’y passe, ni même le savoir, Chalamov, qui a écrit ces textes sur une période allant de sa libération en 1953 jusqu’au début des années 1970, laissant la mémoire se détailler, se détendre, affirme à la fin de l’un des fragments : «Une fois que c’est écrit, on peut oublier.» L’avoir fait, en un gigantesque tableau, aura été on apport au monde. Lire ces Récits, où il est dit que «la colère est le sentiment le plus proche des os», c’est acquérir de la connaissance essentielle (et hallucinante) au sujet de l’être humain.

Mort aveugle et sourd en 1982 dans un hôpital psychiatrique de Moscou, à 75 ans, Varlam Chalamov avait eu le temps de tenir dans ses mains le bouquin contenant les 148 récits qui forment la totalité de son tableau. Après des refus, des publications partielles et en désordre, ce n’est qu’en 1978, à Londres, qu’une maison d’édition publia en russe l’ensemble des récits de la Kolyma, puis il y eut en 1981 une édition anglaise à New York.

Maurice Nadeau avait publié en France des extraits de l’immense œuvre dès 1969, puis Maspero vers la fin des années 1970; voilà enfin chez Verdier, rassemblés dans l’ordre voulu par l’auteur, l’objet entier, cartonné, jaune moutarde, ouvrage cathédralesque…



 Source : Récits Bariolés: Robert Lévesque

Récits bariolés - 

ROBERT LEVESQUEhttp://www.editions-verdier.fr/v3/dyn/oeuvre/recitskolyma.gif





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