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Virginia Woolf - Virginia Woolf - Virginia Woolf‏

Citations du jour

La géographie sert d’abord à faire la guerre
                                                 Yves Lacoste


Dieu n’existe que dans l’imaginaire des hommes
                                                  Richard Dawkins  
 

L'histoire  est un cauchemar  dont je cherche  à m'éveiller.
                                                  James Joyce

La vie est un rêve, c'est le réveil qui nous tue.    
                                                 Virginia Woolf


Article du jour 1 :  "Un écrivain qui dérangeait"


l'Humanité hebdo;La semaine télé, samedi, 2 octobre 2004, p. 26
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Vendredi 8 octobre

Qui a peur de Virginia Woolf ? Ni Agnès Desarthe ni Geneviève Brisac. Entretien.

Les romancières Agnès Desarthe et Geneviève Brisac publient un essai littéraire sur Virginia Woolf. Retour sur le film The Hours, le livre éponyme, mais surtout sur un écrivain d'exception.

Qu'avez-vous pensé du film ?

Geneviève Brisac. Ce qui m'a frappé, c'est à quel point ce film avait touché le public - en particulier féminin -, mettant en exergue ce sentiment de vide, cette impression de passer à côté de sa vie. Au point que les librairies ont été en rupture de stock, non du livre de Michael Cunningham The Hours, dont a été tiré le film, mais de l'ouvrage - pourtant difficile - de Virginia Woolf qui y est évoqué, Mrs Dalloway.

Agnès Desarthe. J'avais peur de détester ce film par les entorses à la réalité : le faux-nez de Nicole Kidman, une Virginia Woolf qui se suicide à trente ans alors qu'elle est morte à plus de soixante ans... Or, ce qui est intéressant, c'est cette oscillation entre le vrai et le faux. Car, de cette adaptation ténue du Journal de Virginia Woolf, de l'évocation en filigrane d'un ouvrage à peine effleuré (Mrs Dalloway), ce qui jaillit, c'est la force de ce personnage littéraire. Comme lorsqu'il y a du Mozart dans un mauvais film. Il suffit d'une phrase pour qu'on retrouve le souffle de Virginia Woolf. Car l'art, à l'intérieur de l'art, ça reste de l'art.

À l'instar d'un Hemingway, peut-elle être un personnage romanesque, voire cinématographique ?

Geneviève Brisac. Ce que disait Woolf à propos de l'autobiographie, c'est que, pour un écrivain, c'est un genre absurde. Car écrire se passe dans la tête. Là, on la voit donc vaguement les doigts pleins d'encre écrire quelques lignes... Rien de plus. Mais on a toujours voulu voir ce qui ne pouvait l'être. La création, comme l'amour ou la mort, reste quelque chose de fascinant.
Agnès Desarthe. Certes, le film est un peu mélo, mais Kidman reste une actrice magnifique. Et puis, il y a quelque chose. À mon sens, il n'y a pas de mauvais chemin pour accéder au beau. Si The Hours a pu amener des personnes à s'intéresser à Virginia Woolf, on ne va pas s'en plaindre.

Quel regard portez-vous sur le livre éponyme de Michael Cunningham ?

Il met en scène Virginia Woolf, se réfère à son oeuvre, cela aurait pu être très casse-gueule.
Geneviève Brisac. On rencontre de plus en plus de livres de ce genre. Mais on ne peut pas dire que le livre de Cunningham ne soit pas sincère.
Agnès Desarthe. Pour moi, c'est un livre à l'image de notre époque : confortable, bien écrit, qui se lit facilement. Aujourd'hui, on considère - ultime mépris sous couvert de démocratisation - que les oeuvres doivent être faciles d'accès. Et même si ce n'est pas un roman prétentieux, comme il y a un livre dans le livre, on a l'impression d'avoir lu du Woolf sans vraiment l'avoir fait. Mais, encore une fois, ce n'est pas nous qui allons nous plaindre que des personnes découvrent l'oeuvre de Woolf à travers ce livre.

Vous êtes à l'origine sur France-Culture d'une série intitulée Virginia Woolf, celle qui dérangeait. Pourquoi fait-elle peur et pourquoi la réhabiliter ?

Geneviève Brisac. Après avoir été classée à l'avant-garde subversive de la littérature, elle a été écartée par la génération suivante d'écrivains. Virginia Woolf aura subi une éclipse de plus de cinquante ans. Petit à petit, elle sort de l'ombre. Non seulement par son oeuvre, mais aussi parce que, en tant que rare figure féminine d'écrivain, elle compte énormément.
Agnès Desarthe. Virginia Woolf dérange aussi et surtout parce qu'elle est politiquement incorrecte ! Ce n'était pas simplement une romancière des plus indépendantes, c'était aussi une penseuse politique en butte avec l'establishment, le patriarcat...

Quand on lit son Journal, on pense à Rosa Luxemburg.
Geneviève Brisac. Mais aussi à ce qui se passe aujourd'hui. Elle aura écrit la plupart de ses oeuvres entre 1925 et 1938, témoin d'une époque tourmentée pas si différence de la nôtre, l'entre-deux-guerres. Virginia Woolf est un écrivain des plus contemporains.

Entretien réalisé par Sébastien Homer
Virginia Woolf ou le mélange des genres sortira le 22 octobre aux Éditions de l'Olivier.


Je viens de terminer un livre sur Virginia Woolf. J’ai bien aimé le tout, c’est la cinquième biographie que j’ai eu le plaisir de lire en rafale dans cette collection. Ce témoignage sur la vie de Virginia Woolf est d’autant plus intéressant que l’auteur a côtoyé de son vivant cette dernière.


Article du jour 2 : Le suicide de Virginia Woolf (25 Janvier 1882 – 28 Mars 1941)  (Dernier chapitre du livre)
Passage 1
 
Virginia fête ses 59 ans le 25 janvier 1941, Elle ne souffre d’aucune des infirmités habituelles à cet âge, telles la surdité ou les pertes de mémoire ; et bien qu’elle ait confié à plusieurs personnes que ses mains commencent à trembler, rien ne le montre dans ses manuscrits dont l’écriture restera toujours précise et aristocratique.

Passage 2
 
Jusqu`à la fin, Virginia conservera sa gaieté et sa capacité de travail. Après sa mort, Léonard  (son mari) découvrira les 8 brouillons de son dernier écrit critique : une note de lecture sur la biographie de Madame Thrale. Elle travaille en même temps à Entre les actes et à Anon, une histoire de la littérature. Elle aime les tâches ménagères – faire le beurre, battre les tapis, ranger les livres -, et les changements qui s’opèrent en elle sont difficilement perceptibles pour les visiteurs. Elizabeth Bowen se souvient des 2 jours qu’elle passa à Rodmell en février : ¨Je la revois, agenouillée sur le sol – nous cousions un rideau déchiré-, elle se redressa, s’assit sur ses talons, rejeta la tête en arrière dans le premier rayon de soleil du printemps et partit d’un grand rire saccadé, plein de vie, contagieux. Voilà l’image que je garde d’elle.¨

 Passage 3
 
Son journal donne des indices plus sombres. Le 26 janvier, elle dit se sentir au fond d’un ¨gouffre de désespoir¨, mais pas pour longtemps semble-t-il; le 8 mars, elle parle de son ¨abattement¨, mais ajoute : ¨je vais combattre cette humeur,  et sombrerai avec panache.¨ Plusieurs facteurs contribuent à sa dépression. La guerre, bien sûr, et la menace répétée d’invasion au printemps; la destruction de ses 2 maisons londoniennes ; le rationnement alimentaire; la difficulté des déplacements; la liaison d’Angelica avec David Garnett (qu’elle épousera par la suite), que Virginia qualifie de ¨grotesque¨ étant donné leur différence d’âge. Mais c’est plus encore sa peur de ne plus pouvoir écrire qui la hante.


Passage 4
 
Elle sent un déclin de son énergie créatrice. ¨J’ai perdu tout pouvoir sur le mots, je ne peux plus rien en faire¨, explique-t-elle au docteur Wilberforce. Pourquoi vivre si le monde lui échappe ou si elle ne peut plus le décrire? De plus, qui se soucie de livres en temps de guerre? ¨Écrire m’est devenu difficile, confie-t-elle à un autre ami. Ni public, ni émulation, seulement ce vacarme extérieure.¨ Mettre fin à ses jours à cet instant, c’était comme mettre un point final à un livre : cela relevait d’une certaine probité artistique.

Passage 5
 
Leonard avoue n’avoir eu ¨aucun pressentiment avant le début de 1941.¨ Ce n’est en réalité pas avant le 25 janvier qu’apparaissent les ¨premiers symptômes d’un grave trouble mental¨. Elle commence alors à avoir des hallucinations auditives et à perdre son appétit. Le docteur Woberforce, qui est devenue sa plus proche confidente, lui conseille de mieux s’alimenter, dans la mesure où le rationnement le permet, et de cesser un temps de travailler : elle doit impérativement se reposer. Virginia ne tient aucun compte de ces avertissements. Elle se sent sombre dans la folie et, bien qu’elle sache que le repos l’a guérie par le passé, elle est convaincue de ne pas s’en remettre cette fois. Mieux vaut mourir saine d’esprit que de devenir un fardeau pour les autres. Mais il n’y a personne à qui elle puisse s’en ouvrir; elle redoute que Leonard, Vanessa ou le docteur Wilbeforce ne la fasse interner pour la protéger d’elle-même s’ils viennent à l’apprendre. Elle doit leur échapper et les mettre devant le fait accompli.

Passage 6 (Lettre de Virginia Woolf s’adressant à son mari)
 
Très cher, je suis certaine de sombrer à nouveau dans la folie et j’ai le sentiment que nous ne pouvons supporter à nouveau pareille épreuve. Je ne m’en remettrai pas cette fois. Je commence à entendre des voix et n’arrive plus à me concentrer. Je vais donc faire ce qui me semble le mieux. Vous m’avez donné le plus de bonheur possible. Vous avez été ce que l’on peut souhaiter de mieux. Vous m’avez donné le plus de bonheur possible. Vous avez été ce que l’on peut souhaiter de mieux. Je ne pense pas que quiconque ait été plus heureux que nous jusqu'à cette terrible maladie. Je n’ai plus la force de combattre,  je sais que je gâche votre vie, que sans moi vous pourriez travailler. Ce que vous allez pouvoir faire. Je ne peux même pas écrire cette lettre correctement. Je ne peux plus lire. Tout ce que je veux vous dire est que je vous dois tout le bonheur de ma vie. Vous avez été infiniment patient et incroyablement bon avec moi. C’est ce que je veux vous dire –tout le monde le sait. Si quelqu’un avait pu me sauver, cela aurait été vous. Tout m’échappe sauf la certitude de votre bonté. Je ne peux continuer à vous gâcher la vie plus longtemps. Je ne crois pas qu’on puisse être plus heureux que nous l’avons été.

Elle écrit cette lettre 10 jour avant de mourir.

Dernier Passage
 
Le vendredi 28 mars 1941, Virginia passe, comme à son habitude, la matinée dans le pavillon au fon du jardin où elle rédige à l’intention de Léonard une seconde lettre, plus courte, mais dont le sens est le même que la première. Elle laisse ce message dans le pavillon et dépose les 2 autres lettres dans la maison où Léonard les trouvera. Puis, vers midi, elle descend jusqu’à l’Ouse et se jette dans la rivière après avoir mis une grosse pierre dans la poche de son manteau de fourrure. Bien qu’elle sache nager, elle se laisse couler – ce dut être une mort effroyable. Léonard, en trouvant les lettres, court à la rivière où il ne voit, pour tout signe, que son bâton de marche flottant à la surface – qui laisse peu de doute sur ce qui s’est passé.

Sur son tombeau  on retrouve pour l’épitaphe les derniers mots de son roman  (des Vagues) :

Invaincue, incapable de demander grâce, c’est contre toi que je m’élance, ô mort.


Source :  Virginia Woolf de Nigel Nicolson

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1 commentaire:

  1. Agnès Desarthe et Geneviève Brisac sont d'un snobisme et d'une prétention assez extraordinaires.
    Oser évoquer le chef d'oeuvre littéraire et cinématographique qu'est The Hours de la sorte est proprement scandaleux. De plus, Woolf ne se suicide pas à trente ans dans cette oeuvre, qui a été méticuleusement tissée, formidablement composée (encore une fois, tant pour le livre, prix pulitzer et pen faulkner tout de même, que pour le film) et possède une valeur artistique élevée.
    Enfin, merci tout de même pour l'article!

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