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Norman Bethune / Citations / Les Orques / Suite sur Bethune, dans mon prochain article!‏

Citations du jour

Je suis profondément affligé par sa mort. Nous voici rassemblés pour célébrer son souvenir, ce qui montre à quel point l’esprit qui l’animait est une inspiration pour tous.
                                  Mao Tsé-toung, 21 décembre 1939


Le manque de temps et d’argent tue plus de patients tuberculeux que le manque de résistance à cette maladie. Le pauvre meurt parce qu’il n’a pas les moyens de vivre.
                                   Norman Bethune



J'ai trouvé une religion, la lecture, un temple, la bibliothèque                 
                              Jean-Paul Sartre




Le seul mystère, c'est qu'il y ait des gens pour penser au mystère.             
                             Pessoa






Vidéos du jour sur les  ORQUES




Article du jour (Partie 1)Norman Bethune, Homme de caractère et de conviction...




Passage 1
 
Quand Norman était enfant, personne ne doutait qu’il allait devenir chirurgien, et nombre de ses intérêts semblaient aller dans cette direction. Un jour, Elizabeth (sa mère) remarqua qu’une odeur désagréable flottait dans toute la maison. Et en cherchant la source, elle finit par découvrir Norman dans le grenier : il faisait bouillir une patte de vache afin d’en éliminer toute chair et d’ajouter à sa collection les os ainsi nettoyés.


Passage 2
 
Bethune, qui se trouvait à droite des troupes canadiennes, ne fut pas directement affecté par l’attaque au chlore. Malgré tout, la percée allemande provoqua le chaos partout en première ligne. Des commandants affolés envoyèrent des membres de réserves pour tenir le front et lancer une contre-attaque. Heureusement, les allemands furent déconcertés par le succès de leur attaque au gaz et ils n’étaient pas prêts à exploiter la situation au maximum. Ils se reprirent pourtant très vite. Le 24 avril, ils employèrent du chlore contre les canadiens.

Imaginez que vous êtes un soldat canadien posté à Ypres en ce jour d’avril 1915. Le chlore gazeux réagit avec l’eau pour former un acide qui brûle la peau exposée. Aussi commencez-vous par remarquer que vos yeux, votre bouche et votre gorge sont en feu. Vous avez du mal à respirer et vous vomissez. Si vous respirez profondément, vos poumons sont endommagés. Ils se remplissent de liquide et vous mourez noyé. Sans masque à gaz, vous êtes totalement vulnérable. Votre premier réflexe est de vous blottir contre le sol en protégeant votre visage irrité, mais cette décision ne peut être que fatale. Le chlore est plus lourd que l’air. Il s’accumule donc au fond des tranchées, des abris souterrains et des trous d’obus – c’est-à-dire dans tous les endroits où les soldats de la Première guerre mondiale se croyaient en sécurité. Si vous vous trouvez dans un de ces endroits pendant une attaque au chlore, votre mort sera douloureuse et rapide : vous mourrez asphyxié en quelques minutes seulement. Si vous vous couvrez la bouche et le nez d’un morceau de tissu – un des pansements qui font partie de la trousse de chaque soldat, par exemple -, vous parviendrez peut-être à vous échapper de la tranchée ou à survivre jusqu’à ce que le gaz s’éloigne. Vous vous sentirez bien sûr très malade et vous aurez encore à combattre l’ennemi, qui suivra le nuage de gaz et qui tentera de vous tuer par d’autres moyens. Mais, pour l’instant, vous serez vivant. Un soldat ne pouvait souvent rien espérer de plus.

Passage 3
 
Dans une lettre écrite du front, il disait ceci : ¨Ce carnage commence à me faire horreur. J’en suis à me demander si tout cela vaut la peine. Dans les services médicaux, je ne vois pas grand chose de la guerre, mais beaucoup de ses effets destructeurs.¨ Il était conscient des raisons pour lesquelles tant de blessés mourraient avant d’être secourus, mais il était prisonnier de la technologie de son époque. Néanmoins, le souvenir du gaspillage incroyable de vies humaines autour d’Ypres resta présent en lui, et ce souvenir devait avoir une influence profonde sur son travail une vingtaine d’année plus tard. En fait, par la suite, toute la vie professionnelle de Bethune peut-être vue comme un combat pour minimiser les pertes inutiles de vies humaines et pour diminuer les souffrances tant des soldats que des civils.

Pour Bethune, l’expérience de la guerre de tranchée fut brève. Le 29 avril, un obus à mitraille explosa près de lui, et des éclats de shrapnel se logèrent dans le muscle de son mollet gauche. C’était ce que les soldats appellent une ¨bonne¨ blessure – le genre de blessure que nombre d’entre eux espéraient recevoir : suffisamment grave pour qu’on vous éloigne du front et qu’on vous renvoie à la maison, mais pas assez sérieuse pour mettre votre vie en danger.

Passage 4
 
Pendant la Première guerre mondiale, le nombre de Canadiens qui ont succombé à la tuberculose au pays équivaut au nombre de soldats canadiens morts au combat outre-mer. En 1925, la tuberculose a tué presque 3000 québécois – dont 800 dans la seule ville de Montréal. Bethune était déterminé à changer les choses et il se mit à la tâche avec énergie. Durant 8 ans, à l’hôpital Royal Victoria puis à l’hôpital Royal Victoria puis à l’hôpital Sacré-Cœur, il étudia, effectua des expériences, mena des recherches et fit des opérations avec son flair caractéristique. Le personnel de la salle d’opération de l’hôpital Royal Victoria s’habitua aux chapelets de jurons sonores qui laissait échapper Bethune en travaillant. Les jurons s’accompagnaient souvent de bruyant cliquetis lorsque les instruments chirurgicaux qui avaient déplu à ce chirurgien gueulard volaient à travers la salle. Sa colère était cependant dirigée contre quelque chose de précis. Très souvent, Bethune rapportait l’instrument litigieux chez lui, l’étudiait puis l’améliorait. 1 semaine ou 2 plus tard, une version améliorée de l’instrument faisait son apparition dans la salle d’opération. Les modifications apportées par Bethune étaient si utiles qu’un catalogue de fournitures médicales datant de 1932 présente 1 page complète de ses instruments chirurgicaux.

Celui qui obtint le plus grand succès  fut une cisaille servant à sectionner les côtes, le costotome, encore utilisé aujourd’hui. Bethune n’arriva pas à améliorer l’ancien modèle jusqu’au jour où il alla reprendre une paire de chaussures chez le cordonnier et qu’il remarqua l’instrument  que celui-ci utilisait pour couper les vieux clous des chaussures. A la grande surprise du cordonnier, Bethune acheta son instrument et en fit faire une version modifiée en acier plus solide pour l’utiliser au cours de ses opérations.


Passage 5
 
Les collègues de Bethune hochaient la tête avec tristesse. ¨Il n’y avait rien à faire¨, disaient-ils. Mais c’était Bethune qui allait devoir affronter les parents désespérés qui lui avaient amené leur enfant en lui demandant de l’aider. Pour qu’Yvette puisse vivre, le poumon infecté devait être enlevé. C’était là une intervention majeure, qui n’avait été réalisée que quelques fois dans le monde. Personne ne l’avait jamais tentée, au Canada, sur un enfant. Yvette y en mourrait probablement.

Toute la nuit, incapable de dormir, il se demanda ce qu’il devait faire. Ne pas intervenir, accordant ainsi un sursis à Yvette avant une mort certaine? Ou alors l’opérer, ce qui risquait fort de la tuer?

Après quelques courtes heures de sommeil, il se leva, acheta une poupée pour Yvette et se rendu à l’hôpital. Le bruit courait que quelque chose d’extraordinaire allait se produire, et le poste d’observation de la sale d’opération était rempli à craquer. Certains avaient le sentiment qu’ils assisteraient à quelque chose qui tiendrait plus de l’autopsie que de l’intervention chirurgicale.

L’opération dura longtemps et, à plusieurs reprises, on crut que la patiente ne s’en sortirait pas, mais Yvette survécut. Bethune exultait.

Passage 6

 
Bethune s’intéressait rarement à quelque chose pendant longtemps. Il écrivait des nouvelles et de la poésie, mais seulement à l’occasion, lorsqu’un sujet s’imposait à lui avec force. Il ne travailla jamais avec constance à développer un de ses talents. Il y avait toujours quelque chose de nouveau pour capter son intérêt. Après s’être inscrit à un cours de peinture, il ne s’y présenta que quelques fois et travailla plutôt de son côté. Ses tentatives artistiques et littéraires n’étaient qu’une manifestation de son esprit en effervescence, qui s’exprimait de nombreuses façons.


Passage 7
 
Au cours des années 30, les positions politiques de Bethune devinrent de plus en plus radicales. Comme toujours, il ne mâchait pas ses mots à ce sujet, mais à présent les ennemis qu’il se faisait étaient bien plus inquiétants que des mondains offusqués au cours d’une petite soirée. Un jour, en revenant de l’hôpital, il découvrit que son appartement avait été saccagé, les peintures  de ses enfants déchiquetées, les murs barbouillés de croix gammées. La police se montra peu coopérative, et Bethune doutait que les policiers fassent preuve de grand zèle dans leur recherche des coupables.

Sur le plan politique, il était conservateur et plutôt opposé au socialisme et aux syndicats. Il changea d’avis lorsqu’il prit conscience que bon nombre de ses patients étaient malades ou mourraient à cause de leur condition sociale et non pour des raisons médicales. Les pauvres tombaient malades et mourraient. Les riches tombaient malades moins souvent et guérissaient plus souvent. Ainsi la politique eut-elle sa place dans le souci d’autrui que Behtune manifestait sur le plan émotif.

Le Montreal Group for the Security of the People’s Health regroupait des professionnels de la santé, des travailleurs sociaux et des profanes préoccupés par la santé qui, sous la direction de Bethune, voulaient apporter des changements majeurs au système de santé au Québec et au Canada. Au cours de l’hiver 1935-1936, ils analysèrent les systèmes de santé d’autres pays et proposèrent un projet de réforme. Ils produisirent un rapport de près de 4000 mots soigneusement choisis dans lequel ils présentaient les grandes lignes d’un système public de soins de santé. Le groupe  préconisait des salaires pour les médecins et les infirmières, une assurance-maladie et des soins pour les chômeurs. En juillet 1936, le rapport fut envoyé au premier ministre du Québec, au chef de l’opposition et à plus de 50 candidats à l’élection provinciale qui s’annonçait. Ce rapport avait déjà été distribué à l’ensemble de la profession médicale.

Aujourd’hui, les Canadiens considèrent les soins de santé comme allant de soi. Nous n’hésitons pas à consulter un médecin si nous sommes malades parce que nous savons que ce médecin  va nous soigner ou nous envoyer voir quelqu’un d’autre qui le fera. On ne refuse pas les gens dans les hôpitaux sous prétexte qu’ils n’ont pas d’argent. Les médecins et les infirmières sont salariés; il y a un régime d’assurance maladie; les chômeurs sont pris en charge par le système.  Les suggestions de Bethune sont maintenant la norme. Le système n’est sans doute pas parfait, et Bethune, s’il était encore vivant, n’aurait sûrement aucun mal à trouver, au sein du système de santé, une cause à défendre avec passion. Cependant, d’immenses progrès ont été accomplis depuis 1936.

Cet été là, Bethune s’attendait à ce que son rapport suscite une vive opposition. Il fut atterré de voir l’indifférence avec laquelle on l’accueillit.

Au cours de l’hiver 1935-1936, Bethune joignit officiellement les rangs du Parti communiste du Canada. C’était une étape logique pour cet homme dont la conscience politique s’affirmait de plus en plus.


Source :  Norman Bethune de John Wilson

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La suite, dans mon prochain article, pour les passages suivants sur Bethune...




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