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La Bolduc


Citations du jour 


Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or.
                                      Charles Beaudelaire

Le temps du monde fini commence
                           
              Paul Valéry 

Paul Valéry a constaté en 1945 : " Le temps du monde fini commence. " Jusque-là les hommes pouvaient agir comme si le coin d'univers à leur disposition était illimité ; nos lointains ancêtres chasseurs cueilleurs étaient nomades ; lorsque leur domaine était épuisé, ils allaient chercher ailleurs de nouvelles ressources. Désormais, nous ne disposons plus d'un ailleurs.


La Bolduc, comme vous ne l'avez jamais connu... Fait à souligner, c'est notre première grande star au Québec. 
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Article du jour La Bolduc 

Mary Bolduc (née Mary Rose Travers, Newport 4 juin 1894 – Montréal, 20 février 1941) a été la première grande star du Québec, ainsi que sa première auteure-compositrice-interprète. Destinée comme la majorité des femmes de son époque à une vie de foyer, certe mère de 13 enfants a vu sa vie basculer le jour où elle a mis le pied sur une scène. L’étoile de Mary Travers – qu’on appelait affectueusement La Bolduc – a brillé sur le Canada français durant toute la décennie qu’a duré la grande dépression économique. Le  peuple adorait ses chansons gaillardes et l’adulait sans retenue ni calcul. Replacée dans son contexte socio-politique, l’histoire de cette Gaspésienne, devenue subitement à 35 ans l’idole improbable d’un peuple, nous permet non seulement de mieux saisir la culture populaire de son époque mais aussi de mesurer tout le progrès accompli depuis , en musique comme ailleurs.

Née en Gaspésie, Mary Rose Travers part seule pour Montréal à l’âge de 13 ans, attirée comme tant d’autres par la promesse de travail de l’industrialisation du début du siècle. Elle devient domestique, puis ouvrière dans une manufacture. En 1914, quelques semaines après le déclenchement de la Première guerre mondiale en Europe, Mary épouse Edouard Bolduc, et le nouveau couple emménage dans un petit logement de la rue Beaudry pour y fonder une famille.

Les temps sont durs pour les prolétaires des quartiers populaires : Edouard peine à se trouver du travail, et Mary peine à assurer le maintien du foyer. Les conditions sanitaires et alimentaires sont telles que 9 de ses 14 enfants mourront en bas âge. Les Bolduc déménagent  tous les 2 ans. En 1921, ils s’exilent au Massachusetts comme tant d’autres Canadiens français à la recherche d’une vie meilleure, mais reviennent à Montréal un an plus tard, plus pauvre qu’à leur départ. Leur condition s’améliore un peu à partir de 1924, jusqu’à ce qu’Edouard tombe grièvement malade. Il incombe alors à Mary de subvenir aux besoins de sa famille.

Celle-ci joue du violon et de l’harmonica, talent qu’elle a développé auprès de son père et au gré de soirées musicales improvisées chez les Bolduc à Montréal. C’est que leur logement est devenu le lieu de rencontre des Gaspésiens en exil ou de passage en ville, et tout ce beau monde aime faire la fête en musique, en chanson et en danse. A ces soirées, Mary est devenue bonne musicienne, ainsi qu’une meneuse de troupe gouailleuse aux antipodes de la mère de famille soumise qu’elle a été jusqu’à alors. Elle est si bonne que Conrad Gauthier l’a déjà appelée –vers 1927- pour remplacer le « violoneux » malade aux fameuses Veillés du bon vieux temps. Mary est devenue membre à part entière de la troupe en 1928. Une des filles de Mary raconte à l’auteur Réal Benoit la première fois que sa mère a fait entendre sa voix à l’une des Veillées :

«Un soir, elle avait un petit refrain, Il y a longtemps que je couche par terre. Elle l’a chanté, seulement le refrain, il n’y avait pas de couplet.. elle a eu tellement de succès qu’elle a été obligée de le répéter 4 fois… C’est après cela que Conrad Gauthier lui a dit : Composez donc quelque chose, Madame Bolduc.»

Roméo Beaudry, qui sera plus tard reconnu comme le plus important producteur d’artistes canadiens de la première moitié du XXième siècle, est en 1929 gérant de la compagnie du disques Starr de Montréal. On lui recommande Mary, et après l’avoir entendue dans l’une des Veillées, il propose à la dame de faire 4 disques entre avril et Noël 1929. Elle recevra 50 $ pour chaque disque, plus un sou par vente à titre de compositeur et un autre à titre d’auteur. A l’époque, un disque se détaille autour de 75 sous, et le salaire moyen d’un ouvrier est de 25,50 dollars par semaine.

Le premier disque de Mary, enregistré le 12 avril 1929, sera un échec commercial, tout comme les 2 suivants, parus à l’été et à l’automne de la même année. En octobre, le krach boursier annonce un avenir sombre. Le 4 décembre, Mary retourne au studio Compo, rue de Bleury, pour enregistrer le dernier disque de son contrat. Elle propose sa première création, une chanson comique sur les déboires amoureux d’une cuisinière, qu’elle a inventée en s’inspirant des broadside ballads de sa jeunesse. Inutile de dire que ce n’est pas sûre d’elle et de sa composition que la Gaspésienne s’installe en studio pour enregistrerLa cuisinière. Henri Letondal relate ce moment clé dans le journal Radiomonde : «Une dizaine de disques avaient été essayés mais sans résultat, car la chanteuse éprouvait un trac fou et gâchait chaque surface de disque par des hésitations et des fautes de mémoire. Il ne restait plus qu’une seule surface et le gérant de la compagnie allait abandonner la partie, quand Mme Bolduc finit par enregistrer sa chanson sans faire d’erreur. Personne ne croyait au succès de cette chanson..»

A nouveau, l’une des filles de Mary : «Il s’est vendu de 10 000 à 12 000 disques en un rien de temps… Chez Archambault, il y avait foule à la porte, surtout, vous savez que dans ce temps-là les magasins avaient des haut-parleurs qui donnaient sur la rue… la police était obligée de faire circuler les gens, ça ne s’était jamais vu. »

Le succès intattendu du reel La Cuisinière vaut à Mary un nouveau contrat, et celle-ci ne tardera pas à s’imposer comme une artiste populaire exploitant le filon de la chanson gaie et du parler franc. Et, dès son disque suivant, Regardez donc mouman, qu’elle enregistre le 15 janvier 1930, elle instaure le fameux turlutage qui va devenir sa marque de commerce. La turlute, cette suite d’onomatopées livrées en guise de mélodie, issue des traditions orales irlandaise et écossaise, étonne les gens et décuple l’attrait pour la chanteuse. Madame Bolduc va enregistrer un disque par mois, et sa popularité grandira à chaque nouvelle sortie. Lorsqu’elle présente son premier spectacle en solo, Lachute, le 25 novembre 1930, elle est une star établie.

La « reine du folklore canadien » a accompagné le peuple québécois durant l’une de ses périodes les plus difficiles, en le réconfortant avec ses chansons comiques souvent collées sur l’actualité. Mais, ironiquement, une fois la crise passée, le peuple qui l’adulait l’a rapidement oubliée; ce n’est qu’à l’occasion d’une réédition sur microsillon de ses chansons, à l’aube des années 1960, qu’on commença à reconnaître le legs de la Bolduc. Et, nouvelle ironie, ce furent cette fois les intellectuels qui la célébrèrent! La Bolduc a depuis passé bien des modes…

Le livre dans lequel on retrouve l’article s’intitule : Les 101 disques qui ont marqué le Québec. Ce dernier se retrouve aux éditions TRÉCARRÉ ICI.


Vidéo du jour : Encore la Bolduc!

http://www.youtube.com/watch?v=DwDGu2SEUPY


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