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Octave Crémazie / Alphonse Beauregard / Citation du jour / Invité du jour / Poème du jour

Citation du jour 
Naître, c'est précipiter les choses.  
                        Yann Moix 

 
Aujourd’hui, je vous invite à lire sur Octave Crémazie, sa vie est en elle-même est un roman!!!!
 
 

Invité du jour : Octave Crémazie (1827 Québec-1879 Le Havre France)


La poésie seule d’Octave Crémazie ne permet pas d’entrevoir son rôle déterminant dans l’affirmation naissante d’une littérature française au Canada, ni ses études classiques au Petit Séminaire de Québec, sa ville natale, qu’il abandonne à 17 ans pour fonder, avec son frère, la librairie Crémazie. Ce libraire, fils de libraire, était boulimique de lecture, d’une étonnante érudition, et doué d’une mémoire prodigieuse, écrit son biographe et éditeur l’abbé Casgrain : ¨Les littératures allemande, espagnole, anglaise, italienne, lui étaient aussi familières que la littérature française. Il citait avec une égale facilité Sophocle et le Ramayana, Juvénal et les poètes arabes ou scandinaves. Il avait étudié jusqu’au sanscrit!¨ Au cœur de la cité, ¨c’était le rendez-vous des plus belles intelligences d’abord¨ : la librairie devient un cénacle, ¨Fréchette et LeMay y venaient lire leurs premiers essais.¨ Son métier l’amène à découvrir Paris et l’Europe, à ainsi connaître la vie littéraire de l’époque et à assimiler le grand courant romantique; membre de l’Institut Canadien de Québec, riche de ses lectures et de ses voyages, Crémazie est au centre de l’effervescence littéraire de Québec jusqu’à ce que ses achats de livres et autres marchandises l’accablent de dettes telles qu’elles provoquent sa banqueroute et son départ intempestif pour la France en 1863, comme la fin de écriture poétique. Il meurt au Havre en 1879, pauvre et solitaire. La poésie de Crémazie reflète bien sûr son érudition, mais, en symbiose avec les débats idéologiques de son temps, elle s’inspire de l’histoire. C’est la visite de Québec, en 1855, du premier navire français depuis la conquête britannique, qui déclenche sa verve : paraissent son Vieux soldat canadien et Le Drapeau de Carillon, rêvant d’une reconquête français de ces ¨arpents de neige¨ de Voltaire que Crémazie raille. Une ouverture sur le reste du monde est manifeste dans les Guerres d’Orient et les Ruines de Sébastopol. Son poème le plus achevé, quoique jamais terminé, La Promenade des 3 morts, paraît partiellement en 1862 dans la revue éphémère de Casgrain Les Soirées CanadiennesCrémazie campe magnifiquement le poète engagé, aussi son départ laisse un vide intellectuel. Au lendemain de leur parution, ses poèmes, mis en musique, deviennent des hymnes nationaux qui ne manquent pas d’irriter quelques bien pensant; l’un d’eux, Benjamin Sulte, historien autodidacte, poète et traducteur au ministère de la Milice, prétend à l’erreur historique du drapeau dit de Carillon et, surtout, égratigne tous les ¨nostalgiques de la Nouvelle-France¨. Le scandale provoque une solidarité sans précédent : Charles Gill et l’École littéraire de Montréal, sous la présidence d’honneur de Louis Fréchette, lancent une campagne de souscription pour élever le monument sculpté par Louis-Philippe Hébert, dévoilé le 24 juin 1906 au Square Saint-Louis, en présence de délégations de toutes les communautés françaises d’Amérique du Nord, devant une foule évaluée à plus de 25 000 personnes. Crémazie devient pour toujours un symbole de la lutte des Français d’Amérique.

Crémazie, Casgrain et la littérature canadienne-française au XIXe siècle 

«Si nous parlions huron ou iroquois, les travaux de nos écrivains attireraient l'attention du vieux monde", écrit Octave Crémazie à l'abbé Henri-Raymond Casgrain dans l'un des premiers débats épistolaires sur le statut de la littérature québécoise. Non, réplique le clerc, le Québec possède "une littérature indigène, ayant son cachet propre, original, portant vivement l'empreinte de notre peuple, en un mot, une littérature nationale".

Selon le libraire et poète, les écrivains du Québec ont le désavantage de parler un français trop châtié pour être pris au sérieux par la France. Ils auraient plus de succès s'ils écrivaient dans une langue franchement étrangère. "On se pâmerait devant un roman ou un poème traduit de l'iroquois tandis qu'on ne prend pas la peine de lire un volume écrit en français par un colon de Québec ou de Montréal." »





Alphonse Beauregard (1881-1924)

Alphonse Beauregard, poète reconnu mais peu connu en France est né à  Compton au Canada. Encore tout jeune, à la mort de son père, il doit abandonner ses études et s’exerce à différents petits travaux. 1906, il commence alors à publier des poèmes dans divers journaux et autres revues (souvent sous le pseudonyme de A. Chasseur). 
Un peu plus tard, il participe de manière active à la rédaction du Terroir et devient dans un même temps secrétaire de l'école littéraire de Montréal. En ce qui concerne ses œuvres, elles sont assez nombreuses, on citera par exemple Les forces en 1912 édité chez Arbour & Dupont à Montréal, et Les Alternances, recueil de poèmes en 1921, édité par Roger Maillet à Montréal. On peut aussi évoquer Le Blé Despotique, Désir Simple, Le Damné, Le Dernier dieu, l’Eternel Féminin, Nocturne, L’Iroquois, Le Sentier, Nouvel Amour, Vigile…
Malheureusement, c’est à seulement 43 ans, lorsqu’il est enfin élu Président de l’école littéraire qu’il meurt asphyxié …en 1924..

http://www.litteratureaudio.com/img/Alphonse_Beauregard.jpg
Je vous invite à lire le poème Impuissance d’Alphonse Beauregard un monument à la pensée et c’est un produit du terroir!


Poème du jour : Impuissance  Alphonse Beauregard 


Je ne sais pas si je sais vivre.
Plusieurs fois chaque jour je devrais arrêter
        L’instant qui se faufile et fuit,
Et désespérément me cramponner à lui.
        Je devrais serrer sur mon cœur
        Les voluptés que j’ai conquises
        Contre les hommes et la bise,
Sentir en moi, autour de moi sourdre la vie,
Entendre murmurer, dans l’espace et le temps,
Le cantique éternel des recommencements,
Tandis qu’éparpillé, distrait, hors de mon centre
Je ne puis retenir mon esprit qui combat
        Pour m’enlever deçà, delà
Des bonheurs qui de loin sont clairs et définis
Mais sitôt près de moi paraissent des brouillards.
        Chaque matin je suis mordu
        Du besoin d’aller vers un but
Que mon désir découpe au lointain, dans la paix.
Plus loin, toujours plus loin la plaine reposante !
        Et je marche... mais quand j’arrive,
Comme si j’apportais avec moi la tourmente,
Je trouve une prairie hérissée par le vent.
 
        Je cherche en vain la vérité.
        Un homme dit : « Elle est ici, »
        Un autre fait signe : « Elle est là, »
Mais je ne trouve rien qu’un décalque d’eux-mêmes.
 
Je ne sais s’il vaut mieux être un simple d’esprit
        Auquel on a tracé sa route,
Ou celui qui s’abreuve à toutes les idées,
        Qu’assaillent tous les doutes.
Je ne sais s’il vaut mieux que le monde déploie
Les sombres violets et le pourpre du mal
Parmi quoi la bonté, pur diamant, flamboie,
        Ou qu’il devienne sage et terne.
             Je ne sais même pas
Si mieux vaut une nuit d’orgie ou de pensée.
        Je repousse du pied des dieux
Que dans mille ans d’autres, peut-être, adoreront
        Comme je l’ai fait à mon heure.
        Parmi les vérités contraires,
        Chacune calmante à son tour,
Je suis comme au milieu des plantes salutaires
Mais dont nulle ne peut me soutenir toujours.
 
              Je ne sais pas encore
        Si je n’ai pas toujours rêvé.
Tout à coup je perçois que jaunissent les feuilles
              Et je dis : C’est l’automne !
        Mais qu’ai-je donc fait de l’été ?
 
Je cherche alors ce qui m’advint dans le passé,
        La colonnade de ma vie,
        La volonté libre et suivie
Par laquelle je fus moi-même éperdument.
Les montagnes et les vallées de l’existence
Impérieusement dictèrent ma conduite.
La faim me bouscula jusqu’aux lieux d’abondance,
Mon courage naquit de l’effroi d’un malheur,
        D’un malheur à venir plus grand
              Que celui du moment.
        Je ne sais sur quoi m’appuyer,
Je vis de mouvement et rêve de bonheur
Alors que le bonheur, m’arrêtant, me tuerait.
Aucun jour ne ressemble au jour qui le précède,
Incessamment la voix des âges se transforme.
        Je passe au milieu de mes frères,
Je les vois se rosir de la flamme première,
Puis se plisser, pareils à des outres vidées,
        Et, quelque matin, disparaître.
        Magiquement croît la forêt
        Où jadis l’herbe s’étalait.
        La vie aux formes innombrables
S’impose à mes regards, me commande, m’étreint
              Sans dévoiler ses fins.
Et, face à l’étendue, ballant, désemparé,
        Perdu sur cette terre absurde
        Où nul ne pénètre les autres,
        Où nul ne se connaît lui-même,
              Où nul ne comprend rien,
Je crie mon impuissance aux formidables forces
De la matière en marche, éternelle, infinie.


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1 commentaire:

  1. que dire mise a part: les poemes ont ça,qu'ils décrivent la vérité des choses jusqu'au plus profond, sans que l'on s'en aperçoit, sans même y penser.L'impuissance devant la vie, le temps qui file et l'humanité. Tout ceci à l'air de nous appartenir mais il n'en n'ait rien.
    Delphine.

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