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René Dumont

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René Dumont en personne!

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Un lion et un tigre rencontrent une giraffe!
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Citations
 


 Pour faire 10 000 km, on consacre 1500 heures à sa voiture (gain de l'argent nécessaire à l'achat et à l'entretien, conduite, embouteillages, hôpital). Cela revient à faire 6 kilomètres à l'heure, la vitesse d'un piéton.  
                                             René Dumont


Au final, pour lui, c'est simple : il y a ce qu'il faut faire, absolument, et il y a ce qu'il est absolument criminel de ne pas faire. "
                                                             René Dumont  


 Je n'ai pas eu grand mérite et je regrette sincèrement que les événements ne m'aient que trop donné raison  
                                          
                                             René Dumont 
 


 Aussi longtemps que les lions n'auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur  

                                                             Proverbe Africain


Invité du jour René Dumont


J'ai déjà lu la biographie de René Dumont, un écologiste avant l'heure, un agronome de renom qui a été un farouche combattant... Je me rappelle d’une anecdote,  à sa sortie de l'avion, il était supposé rencontrer les plus hauts dignitaires du pays,  son premier geste fut d'aller à la rencontre d'un paysan pour faire connaissance...


https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgvod8ihoePoiYJCXlYkA7wV5cXqsmdzAR_2N0viY8g5GJKLyGkHT5GRUfKvLLbDUk2Z4jjQp1cJR6bXB1ZF0pLOs-WIx7648OWO_N4DO9dGAQHZ4gvmZGqVMl3smtcSoO2Ii2Tu_i4V4LB/s400/rene+dumont.jpg





Le Monde
Mercredi, 20 juin 2001, p. 15

HORIZONS - PORTRAITS

Les excessives vérités de René Dumont
" L'agronome de la faim " est mort lundi 18 juin à l'âge de 97 ans. Premier candidat
écologiste à l'élection présidentielle en 1974, il n'a cessé toute sa vie de
dénoncer l'auto-génocide planétaire. Il avait publié en 1962 " L'Afrique noire est
mal partie "

BESSET JEAN PAUL
LUNDI 18 juin 2001, à quatre-vingt-dix-sept ans, il est mort. Mais il ne vivait plus.
Depuis trois ou quatre ans, l'infatigable arpenteur de la planète restait reclus. Plus
d'yeux, plus de regard d'acier accusateur, plus de grands gestes secs, plus de
manières bourrues, plus de vivacité iconoclaste, plus de propos irritants, plus de
coups de gueule ! René Dumont n'existait déjà plus puisqu'il ne pouvait plus bondir,
crier, dénoncer, s'opposer comme il l'a toujours fait, un quasi-siècle durant, habité
par l'urgence d'une catastrophe constatée et annoncée.

Obsédé par la famine des autres et l'ayant côtoyée tout au long de sa vie au point
d'avoir fait de son métier " d'agronome de la faim " une vocation quasi monacale,  
René Dumont n'a jamais eu grand appétit pour le banquet de la vie. Dès son plus
jeune âge, il choisit de vivre en état d'insurrection personnelle permanente.
Toujours en éveil, ne laissant rien passer, défiant le monde. Il parcourt la Terre
dans tous les sens - ses " missions " l'amènent dans quatre-vingts pays différents -,
il rencontre, conseille et vilipende quelques-uns des principaux dinosaures du
siècle - Nehru, Castro, Nasser, Ben Bella, Sihanouk, Senghor, Nyerere,
Bourguiba, Sekou Touré -, il ausculte les principales convulsions de l'époque,
traverse deux guerres, accompagne les luttes de libération nationale et leurs
dégénérescences, décrypte les mécanismes d'asservissement, de l'usurier de
village au fonctionnaire des villes, du petit chef de clan à la multinationale cousue
d'or, découvre avec effroi la crise écologique, exprimant brutalement, dans
une cinquantaine d'ouvrages et un nombre incalculable de conférences,
rapports ou articles, quelques solides vérités de ce temps. La misère du monde,
dont il est un des rares " spécialistes " à avoir une connaissance de proximité,
le rend prodigieusement hargneux. L'homme est comme ça : féroce dès
qu'entrent en lice l'injustice et les inégalités, scandalisé par les gaspillages en tous
genres, incapable de retenir des colères explosives, intransigeant, imprévisible,
provocateur, mal élevé. C'est que l'oeil de l'observateur, exercé et aigu, ne
se dissocie jamais d'un élan de solidarité instinctive avec le sujet qu'il étudie dans
la mesure où celui-ci est une victime. Or Dumont ne s'intéresse qu'aux victimes.
Quitte à paraître excessif et à passer pour infréquentable, Dumont hurle
son diagnostic :  famines, croissance démographique insoutenable, inégalités
croissantes, " mal-développement ", " bidonvillisation ", guerres, épuisement
des sols et des ressources, dérèglements climatiques, rupture des
écosystèmes... A écouter l'agronome, l'Apocalypse chevauche l'horizon.
Trop, c'est trop ! Les élites se rebiffent à la chronique annoncée de
l'autogénocideplanétaire. Verdict : " Dumont exagère ". Enfant terrible pour
les uns, vieillard extravagant pour les autres, le vieux lutteur provoque des
haussements d'épaules navrés même si, paradoxalement, chacun s'accorde
à reconnaître le sérieux de ses observations de terrain et la richesse de ses
expériences. Il est effectivement " trop ". Trop écolo pour les socialistes,
trop rouge pour les écolos, trop empirique pour les marxistes, trop étatiste
pour les libéraux, trop agronome pour les économistes, trop socio-économique
pour les agronomes, trop pragmatique pour les scientifiques, trop enflammé
pour les universitaires, trop modéré pour les militants, trop exigeant pour les
tiers-mondistes, trop anticonformiste pour les pouvoirs, trop raisonnable pour
les rêveurs... Oui, René Dumont est un homme à part et il aura cultivé
cette exception toute sa diable de vie. Un homme en trop presque, qui échappe
aux lignes, hors des coteries, des chapelles, des clans et des dogmes. Un homme
témoin d'un autre monde, celui de la boule de mil ou du taco de maïs, des ventres
ballonnés et des regards fixes, des déserts qui avancent et des forêts qui reculent.
Donc un homme de nulle part aux yeux des aveugles de la modernité hédoniste
 et gaspilleuse. " Aussi longtemps que les lions n'auront pas leur historien,
les récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur ", dit un proverbe
africain. Dumont s'est fait le chroniqueur de cette contre-histoire, celle des
tropiques miséreux, en convoquant sur le devant de la scène le grand inconnu,
l'oublié de toujours, le déshérité absolu : le paysan et ses milliards
de répliques anonymes des continents asiatique, sud-américain et africain.
Il fait de ce sans-voix le héros tragique de l'espèce, le nouveau centre du réel.
Et il prétend - avec quelle violence !
- écrire, parler, tempêter pour lui.

Son souci de vérité est constant, quasiment maladif à lire les nomenclatures
détaillées qu'il dresse. Au-delà d'une exigence de rigueur, la vérité relève
chez lui de la nécessité. Seule l'exactitude du diagnostic permettra d'élaborer
des solutions " possibles ". Le reste, les théories, les illusions, le chapelet des
" y'a-qu'à " et des solutions prédigérées, ne sont que des bluettes idéologiques
qu'il a entendues atrocement grincer, dans les pays du
socialisme réel ou du free market.
René Dumont, défenseur consubstantiel des populations déshéritées du Sud,
n'a jamais été tendre envers les fautes du tiers-monde, la corruption ou
les illusions des élites locales. Il a été le premier à dénoncer le " césarisme
tropical "  quitte à se fâcher avec bon nombre de ses amis. Mais l'agronome
n'a pas la mémoire courte et se refuse à inverser le sens des responsabilités.
Pour lui, les pays développés du Nord et leur appétit de domination
constituent les principaux fossoyeurs de l'humanité. Soumise aux intérêts de
l'Occident, l'" économie-monde " pille, aggrave les inégalités, profite du
" mal-développement " en l'organisant, pèse sur les prix, détruit les agricultures,
impose l'échange inégal, protège et arme les dictatures,
pollue, bouleverse les climats, profite des flux financiers... Bref, c'est la minorité
privilégiée des pays du Nord " qui condamne la majorité du monde à la misère
perpétuelle ". Le noeud est là. Par quelque côté qu'on la prenne - sociale,
économique, écologique -, la faillite du tiers-monde est inacceptable et
présente un risque majeur d'explosion pour l'ensemble de l'humanité. Ce n'est
pas seulement affaire de morale. C'est une question d'intérêt collectif.
La mèche est allumée. " Un tel niveau d'injustice ne peut plus durer très
longtemps. Déjà les pauvresse vengent à coups de drogue et de terrorisme.
Demain ce sera pire. " Invité à Washington à s'exprimer devant la Banque
mondiale, il s'exclame : "Dressez vos mitrailleuses le long du Potomac,
Messieurs, les pauvres arrivent. " Hérétique ! Chaque fois que Dumont a
lâché une de ses " sorties " contre l'ordre du monde et balancé une
prophétie de malheur, il s'est fait brûler en place publique. " Farfelu ", " bluffeur ",
" Cassandre ", " millénariste ", " écolo-pacifiste " ! Plus tard, dix, vingt ou trente
ans après, force est de reconnaître que le combattant de la faim a vu juste.
La liste des lucidités et des morceaux de bravoure du pionnier
est impressionnante. En pleine euphorie productiviste, René Dumont a
" prédit " l'aggravation de la misère et de la famine; jamais le monde
n'a compté autant de " pauvres absolus ". Il a vu s'amorcer, dès 1932
depuis les rizières du Tonkin, la " bombe démographique "; l'explosion a bien
lieu puisqu'en cinquante ans la population mondiale va doubler après avoir
quadruplé en un siècle. Il a prévu dès les années cinquante l'échec du
socialisme - " L'abondance planifiée ne sera jamais exécutée " -, y compris
un peu plus tard à Cuba; il a dénoncé les mécanismes d'assujettissement
du libre-échangisme et les ravages de la loi du marché; il a décortiqué les
perversions du " mal-développement " des anciens pays coloniaux en
proie au mimétisme vis-à-vis de l'ancien maître (son livre, L'Afrique
noire est mal partie, a été publié en 1962, deux
ans seulement après les indépendances); il a évoqué la nécessité de
l'impératif
démocratique bien avant les couplets sur la bonne gouvernance... Et
encore, les crues catastrophiques du Bangladesh, l'assèchement de la mer
d'Aral, la désertification du Sahel, la pollution de l'eau (c'est un de ses sujets favoris -
en 1974 ! - lors la campagne pour l'élection présidentielle où il se présente
comme candidat Vert), l'effet de serre aggravé par les gaz automobiles, l'extrême
oppression des femmes du Sud... " Je n'ai pas eu grand mérite et je regrette
sincèrement que les événements ne m'aient que trop donné raison ", expliquait-il
au soir de sa vie, ajoutant : " Je préfère pécher par excès que par défaut. " En
dépit de formulations parfois hâtives auxquelles il ne répugnait pas de céder
- exemple : " Tout acheteur d'une 605 Peugeot ou d'une Mercedes doit
désormais être considéré dans sa recherche d'orgueil et de prestige comme
un criminel puisqu'il aura des morts, souvent lointains, sur la conscience "
- cet homme-là a vu clair avant tous les experts et les ordinateurs. Les dates
de ses écrits en témoignent, il a précédé les économistes
et les politiques, il a eu raison contre beaucoup de monde à la fois.
Entre Henry Kissinger le " sage " qui annonçait en 1974, à la conférence
mondiale de l'alimentation, que " dans dix ans plus un enfant dans le monde
n'aura faim " et René Dumont le " fou " qui, dix
ans avant, écrivait un livre pour annoncer que " nous allons à la famine ",
qui était dans le vrai ? " J'aurais dû écouter Dumont ", confia le Sénégalais
Léopold Senghor en quittant le pouvoir. Comment aurait-il pu le faire, lui ou
les autres ? L'époque était à l'euphorie. C'était en même temps celle des
Trente Glorieuses du capitalisme, celle de la conférence de Bandung
et de la fierté des indépendances, celle des hymnes à la supériorité
du socialisme. Trois voies concurrentielles mais pareillement confiantes
dans leurs capacités à assurer la prospérité et le bonheur des hommes.
Alors, dans ce tintamarre triomphaliste, le cassandre Dumont... L'agronome
posséderait-il un secret divinatoire ? Evidemment non. C'est tout simplement
l'infatigable observateur du terrain qui a fait la différence, sa lucidité empirique
ainsi qu'une volonté permanente de passer à l'acte contre " l'intolérable ".
Dumont fut d'abord un réaliste pressé de résoudre les problèmes immenses
qu'il avait recensés. L'accommodement aux circonstances, les compromissions
paresseuses tracent sa frontière indépassable. Au final, pour lui, c'est simple :
il y a ce qu'il faut faire, absolument, et il y a ce qu'il est absolument criminel de ne
pas faire. " On peut, on doit dire que les choses ne se présentent pas aussi bien
que le conformisme bien-pensant des satisfaits et des puissants chercherait à le
faire croire. " C'est ce réformisme radical, cette détermination incessante à
s'opposer à " l'ombre géante de l'échec retentissant de l'humanité " qui ont
abouti à donner de lui une image extrémiste, jusqu'au-boutiste. Or,
rien n'est plus éloigné de la vérité du personnage que le mysticisme
des croyances qui égrènent le " tout est possible ", " l'homme nouveau ", "
la table rase " ou le " hors du marché point de salut ".Dumont a toujours su
que les souffrances lues dans les yeux d'un orphelin déshydraté ne se
compensent pas en rêves ou en mots. Pas plus qu'on ne vaincra l'aggravation
de l'effet de serre par des colloques et des résolutions.
Contrairement à l'image qu'on s'est souvent faite de lui l'agronome a
toujours prôné globalement des solutions de modération, préférant
en bon écologiste les mesures d'équilibre aux décisions violentes, la petite
échelle au gigantisme, les raccommodages patients aux grandes ruptures
révolutionnaires. Il a toujours revendiqué la priorité
de l'individu sur les systèmes et privilégié les petits pas des réformes
tenaces par rapport aux grands sauts de l'imaginaire. A condition
cependant qu'on consente enfin à marcher dans la bonne direction.

Pour en savoir plus sur René Dumont

http://ruralia.revues.org/document1027.html

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