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King Crimson, The Who, Led Zeppelin IV

Citation du jour

L'éternité, c'est long, surtout vers la fin.                                                                    Woody Allen

King Crimson peut-être que le nom ne vous dit absolument rien, mais ce groupe est le premier groupe de rock progressif, un groupe qui a eu une grande influence sur Genesis entre autre. Je vous invite à lire la chronique qui suit!

In The Court Of The Crimson King


Gatefold Cover...

King Crimson

paru en octobre 1969 (E’G Records)
Le rock et ses mystères... Longue histoire façonnée par la sueur, par les larmes, par le talent, par le hasard mais aussi beaucoup par la chance. Une chance qui semble choisir des moments incongrus pour venir frapper un grand coup. C’est plus ou moins ce qui est arrivé à King Crimson qui, du jour au lendemain, s’est retrouvé propulsé à la tête d’un mouvement musical, d’une époque et de tous pleins d’autres trucs super importants (mais là, tout de suite, j’ai la flemme de faire la liste...).
Car il y a un avant King Crimson qui est, hélas, resté peu glorieux en terme de notoriété. Tout a démarré avec un groupe au nom d’une originalité incroyable : Giles, Giles & Fripp, composé de Robert Fripp à la guitare, Peter Giles à la basse et Michael Giles à la batterie (on vous l’avait dit que c’était incroyable). Le joyeux trio commence dès 1968 à composer des choses bizarres, déjà conceptuelles, mais pas suffisamment fulgurantes pour marquer durablement les esprits. Il faut dire qu’à l’époque, il faut en vouloir pour se faire repérer dans tout ce grand bouillon musical, dominé par les Beatles, Who, Stones et autres futurs dinosaures très loin de l’extinction.
C’est pas faute d’essayer pourtant. Le groupe tente l’aventure studio et sort en septembre 1968 un album : The Cheerful Insanity Of Giles, Giles & Fripp. Résultat : pas plus de 600 exemplaires vendus. Comme nous sommes gentils, nous ne dirons pas que c’est minable, bien qu’un tel score mérite d’être salué par tous. Paradoxalement, nous avons ici l’un des plus grands guitaristes de rock de l’époque (de tous les temps vous diront les guitaristes puristes. N’étant moi-même pas musicienne, je ne peux donc qu’acquiescer bêtement.) qui doit, faute de succès, donner des cours de guitares pour survivre. Mais à la fin de l’automne, un changement s’opère : sans réelle discussion, mais dans la joie générale, Ian McDonald entre dans le groupe. Et comme il est plutôt sympa, il n’arrive pas les mains vides : ex-militaire, il a préféré utiliser ses cinq années en uniforme pour apprendre à jouer tout plein d’instruments (flûte, clarinette, saxophone, claviers...) au lieu de jouer du fusil. Grand bien lui fasse, car en plus de ses multiples machines à sons, il va ramener un certain Peter Sinfield qui, à défaut d’être musicien, est un excellent écrivain-poète et va faire partie intégrante du groupe. Lassé par tout ce bordel, Peter Giles décide de se barrer, laissant une place vacante à la quatre cordes. Fripp, dans un éclair de génie, contacte un ami de sa ville natale, le chanteur-bassiste Greg Lake (futur Emerson Lake & Palmer).
Début 1969, Giles, Giles & Fripp disparaît dans les limbes et King Crimson, dont le nom est inspiré d’un poème de Sinfield, voit le jour. Joli bébé pourrait-on dire. Quelques morceaux en poche, totalement inconnu du public, le groupe se produit en concert le 5 juillet 1969 aux côtés des Stones et de Mott The Hoople, devant 850.000 personnes (pas mal hein ?!) et remporte plus de succès que leurs illustres acolytes (tout du moins, dans le journal The Guardian). Grisés par ce début de reconnaissance, mais sans aucune volonté de succès ou de tout révolutionner, nos cinq lascars vont pondre en automne ce que l’on peut appeler un manifeste : In The Court Of The Crimson King. Comment imaginer qu’avec ce premier album, la face du rock va être changée ? Car aussi incroyable que cela puisse paraître, ce disque est le premier à faire la synthèse d’un style balbutiant et à le hisser au rang de mouvement musical à part entière : le rock progressif est né (Gloria Gloria Hallélujah ! Chantez les anges, résonnez trompettes !). Oui, le rock progressif, ce style qui provoque sueurs froides et crampes violentes à l’estomac chez certains amateurs de rock. Mais ici, point de musique pompeuse et grandiloquente, point de sonorités aux frontières du kitsch le plus redoutable, point de concept nébuleux ou d’histoires bancales d’heroic-fantasy (où es-tu Lancelot du Lac sur ton fier destrier ?). Ici, vous n’aurez droit qu’à un pur moment de bonheur, à de mélodies imparables, à de la poésie qui peut osciller entre le plus doux des rêves et le plus terrible des cauchemars. Avec ça, préparez-vous à faire travailler votre cerveau, parce que, dans le genre musique cérébrale, on ne fait pas mieux.
Mais le voyage ne se fait pas sans dommages car il débute dans la rage et le sang : 21st Century Schizoid Man fait d’entrée de jeu très, très mal. Chant syncopé de Greg Lake dont la voix déformée, distordue donne l’impression que ses cordes vocales sont faîtes de barbelés. Peter Sinfield, qui en plus d’être crédité pour les paroles et a carrément acquis le rôle d’ « illumination », signe des paroles d’une cruauté insoutenable. En pleine guerre du Vietnam, écrire Innocents raped with napalm fire (innocents violés au napalm), on vous assure que ça a fait son effet... Effet stroboscopique, les paroles se transforment en images projetées avec violence devant nos yeux et le jeu des musiciens tout en puissance, obsédant, martelant, n’aide pas vraiment à sortir indemne de cette expérience de musique totale. La partie centrale, comme un grand délire où chacun se lâche est également le moyen de s’apercevoir qu’aucun de ces p’tits gars n’est manchot. On a déjà parlé de Robert Fripp, mais que dire de Greg Lake dont le jeu de basse n’est que pure merveille et dont la voix est capable de vous filer un frisson en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire ? Comment exprimer mon admiration devant le jeu tout en nuances et la maîtrise totale de chaque instrument de McDonald ? Comment puis-je vous dire que Michael Giles réalise lui aussi des prouesses derrière ses fûts ? Et pourtant, rien ne sonne technique, question de son, question de feeling, tout ce qui sort de ces doigts, même les notes les plus simples, tout cela sonne juste bien. Très bien.
Et du plus dur au plus doux, car après la « haine » du premier morceau, changement total d’ambiance avec le superbe I Talk To The Wind. Originellement écrite par McDonald et Sinfield pour Giles, Giles & Fripp (il existe quelques versions intéressantes datant de 1968), ce morceau s’est subitement retrouvé projeté dans ce monument de musique progressive. Dominé par une flûte aérienne, on nage ici en pleine poésie, comme un petit instant de bonheur, suspendu dans les airs. L’espace d’un instant, le temps n’a plus prise sur nous. Et seul compte cet infime moment où l’esprit vagabonde au gré du vent. Mais il ne s’agit ici que de la vie dont on veut parler, au temps de la violence et du rêve succède le temps de la mort. Epitaph est certainement le plus beau morceau de tout l’album (attention, jugement purement subjectif), celui où toute la force mélodique du groupe se fait sentir, celui où Greg Lake révèle toutes les subtilités et nuances de sa voix. Si l’on devait qualifier cet album et surtout cette chanson, il faudrait les voir comme étant romantiques. De ce romantisme pur entre souffrance et déchaînement des passions avec cette étrange impression de crépuscule, moment d’acceptation de la mort, mais aussi de la peur qu’elle provoque. Toute la première face du disque semble être dédiée aux émotions humaines, les plus fortes, les plus belles, les plus terrifiantes.
Car la deuxième face est consacrée à deux morceaux un peu plus longs qui entrent dans un domaine bien plus narratif. Le premier, Moonchild, est comme une petite comptine enfantine, plongée dans une nuit de pleine lune (quand on vous dit que c’est romantique...) sauf que le groupe commet sa première (et seule) faute : un passage mi-bruitiste, mi-musical sans réel intérêt, et ce pendant près de dix minutes. C’est rigolo au début et très vite, ça lasse. On passe donc rapidement à la suite qui réveille d’un coup. In The Court Of The Crimson King est un peu la pièce de résistance du disque : et là, on peut le dire, c’est du vrai prog. En tout cas, voici le morceau qui a dû traumatiser plus d’un musicien progressif, que ce soit par sa structure, toute en longueur avec pas mal de moments qui laissent une belle place à l’improvisation, quelques chœurs, assez jolis (mais ce n’est pas non plus la folie furieuse) et bien sûr un bon départ en sucette avec claviers qui s’entendent bien, sur la fin. Cette formule va être utilisée, travaillée, façonnée à la guise de chaque groupe de ce genre musical. Il faut dire que King Crimson a tellement frappé fort que certains ne s’en sont pas remis, tels les membres d’un petit groupe appelé Genesis qui, lors de l’enregistrement de Trespass, pousseront la fanattitude jusqu’à accrocher la pochette de l’album de ces Rois Pourpres sur les murs du studio, tel un fétiche bienveillant, un porte bonheur.
Grâce à cet album, King Crimson devient ZE référence qui tue dans son domaine musical. Couronné d’étoiles, parti vers la gloire, il va tout de même y avoir des ratés dans cette belle machinerie. Après un tel coup d’essai, dur de s’en sortir aussi bien, surtout si dès le début, vous avez placé la barre trop haut. Aujourd’hui, tout le monde cite ce disque-ci, mais omet (plus ou moins) volontairement de parler des suivants. Mais c’est de leur faute aussi... Fallait pas enregistrer un album aussi parfait...

Led Zeppelin, un groupe mythique, son meilleur album, Led Zeppelin 4.  Lisez le prochain article pour en savoir plus sur la petite histoire de cet album!!!!

Led Zeppelin IV

paru le 8 novembre 1971 (Atlantic / East West)
Durant l’automne 1971, les disques Atlantic apprennent que son groupe fétiche, Led Zeppelin, est sur le point d’enregistrer un nouvel effort studio et de le sortir pour la fin de l’année. Cependant, comme pour mieux brouiller les pistes d’un plan déjà connu à l’avance, Peter Grant, le manager des quatre, révèle, lors d’une conférence de presse, que ses poulains exigent - fait sans précédent - une pochette sans nom, sans titre, sans numéro de catalogue, ni référence. Bien sûr, Atlantic se demande ce qui se passe dans la tête des Anglais : comment envisager de sortir un album pour les fêtes de fin d’année sans le moindre soupçon de marketing ? La vénérable maison du magnat Ertegun ne peut que s’incliner ; le prochain album du Zep sortira donc selon les souhaits du groupe. Chez Atlantic, sentant pointer le flop, on parle soudain de « suicide commercial ».
En fait, cette attitude, aussi étrange que cela puisse paraître, constituait une réponse à une certaine critique musicale, notamment britannique, qui démontait la formation en insistant sur son côté de groupe « préconçu », qui ne devait son succès qu’aux seules stratégies publicitaires du management mais que son talent était bien moindre, cependant, que celui de Cream ou de The Jimi Hendrix Experience. Évidemment, le groupe était extrêmement remonté et bien décidé à faire taire ces accusations. La vérité devait ainsi sortir du disque, et du disque seul.
Toutefois, comme un disque ne peut être vendu sans pochettes, il fallait bien en concevoir une. C’est Jimmy Page qui prit les choses en main. La pochette comprendra donc un recto, un verso et une illustration intérieure. Du fait que l’album ne contienne aucune indication sur sa pochette, le travail artistique qui y est associé deviendra un sujet de discussions parmi les fans et les critiques sur sa signification. Cependant, tous s’accordent pour penser que les divers éléments contiennent un sens mystique.
Le recto représente l’exemple parfait de l’illustration anti-commerciale. On y retrouve une photo de vieux portefaix dénichée dans une brocante de Reading. Jimmy Page se souvient : « J’avais l’habitude de passer du temps à traîner dans des brocantes, à la recherche d’objets que d’autres avaient laissé. Robert (nda : Plant, le chanteur du groupe) cherchait avec moi durant une occasion et on est allé à cet endroit à Reading où les objets étaient entassés les uns sur les autres. Robert trouva le tableau du vieil homme avec les fagots et suggéra qu’on travaille coûte que coûte dessus pour notre pochette. On a donc décidé d’opposer le gratte-ciel moderne du verso avec le vieil homme aux fagots. On verrait la destruction de l’ancien et l’émergence du moderne. Nos cœurs étaient autant en phase avec les traditions qu’avec ce qui allait arriver, bien qu’on n’était pas toujours d’accord avec la nouveauté. Mais je pense que la chose importante était qu’on gardait de l’espace...à condition de ne pas aller au-delà. ». Le mystérieux portrait est photographié dans un ensemble de HLM en destruction, dans la ville de Duddley, même si la couverture est fictive et aurait pu être photographiée n’importe où. Un vieil homme est laissé à l’abandon tandis que son logement est démoli pour faire de la place pour l’industrie.
En ce qui concerne la pochette intérieure, Page précise que « [la pochette intérieure] a été peinte par un de mes amis. C’est en fait une illustration d’un chercheur aspirant à la lumière de la vérité ». Le dessin de l’homme en blanc au sommet d’une montagne une lanterne à la main a effectivement été réalisé au stylo et à la peinture dorée par Barrington Colby Mom et est intitulé « View In Half Or Varying Light » (« vue de moitié ou lumière changeante »), bien qu ‘il soit aujourd’hui connu sous le nom de « l’Ermite ». L’illustration à l’intérieur est l’idée de Jimmy. C’est le personnage de l’ermite tiré du Tarot, un symbole de confiance en soi et de sagesse. Le guitariste précise son interprétation de la pochette de l’album appelé tantôt IV, Untitled ou encore « l’album aux quatre symboles » (qui allaient devenir un trade mark pour les quatre), c’est un reflet de la musique du disque : un paysage urbain dur juxtaposé à l’antique. En d’autres termes, le blues de la ville comme Black Dog contre le folklore celtique de The Battle Of Evermore. Quand on l’interrogeait sur le personnage qui représentait le groupe, l’homme à la lanterne donnant la lumière ou le chercheur de vérité, Page répondait : « Un peu des deux, je pense. Un peu des deux ».
En fin de compte, le suicide commercial tant redouté n’a pas eu lieu et le quatrième album de Led Zeppelin est non seulement le plus populaire du groupe mais aussi le plus célèbre de toute l’histoire du rock’n’roll, au même titre que Revolver des Beatles ou The Dark Side Of The Moon de Pink Floyd et contient la chanson la plus diffusée sur les ondes de tous les temps avec Stairway To Heaven.
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The who, c'est qui ça? Si vous ne les connaissez pas, vous avez du travail à faire, sinon voici de la même façon que l'article précédent, l'histoire de leur meilleur album!!! 

Who’s Next

The Who

paru le 25 août 1971 (Polydor / Universal)
Au milieu de l’année 1971, The Who sait qu’il est attendu au tournant. Car de tous ceux qui ont laissé une empreinte indélébile dans les années 60, qui reste-t-il ? Plus grand monde, bien évidemment (excepté peut-être The Rolling Stones, The Beach Boys ou The Kinks). Au revoir les Hendrix, Morrison, Joplin, Beatles et compagnie ; le monde occidental se sait orphelin et The Who a une sacré pression pour enregistrer ce cinquième effort. Suite au succès de leur opéra-rock Tommy, Pete Townshend et ses compères se voient pratiquement dans l’obligation de fournir du matériel de la même envergure et commencent à travailler sur la composition d’un film de science-fiction baptisé Lifehouse. Pour des raisons diverses, le projet n’aboutira pas et verra The Who se résigner à sortir un album de compromis qui sera paradoxalement l’une de leur plus grosses ventes, aidé en cela par une pochette des plus marquantes.
Articulé autour d’une réalisation du photographe Ethan A. Russell, on peut y distinguer les membres du quatuor terminant d’uriner contre un monolithe situé sur un terril non loin de Durham. C’est en voiture, au retour d’un concert à Sunderland le 7 mai 1971, que Keith Moon et John Entwistle, batteur et bassiste de leur état, discutèrent du film 2001 : L’Odyssée De L’Espace. Une soudaine envie de vidanger les vessies nécessita un arrêt sur le bord de la route et voilà comment fut pratiquement créé la couverture de l’album à venir. La photo semble être une référence à un monolithe découvert sur la Lune dans le film de Stanley Kubrick, 2001 : L’Odyssée De L’Espace, donc, datant de 1968. Il a également été suggéré qu’elle pouvait incarner un exemple d’uniformité et d’aliénation de la vie moderne.
Outre ces considérations philosophiques, c’est clairement un moment de surréalisme au quotidien du fait que le groupe se soulage allégrement et sans aucuns scrupules apparents. Aucunes références à Lifehouse n’apparaissent ici et la pochette montre bien le credo que le groupe s’est alors fixé : un manque de respect « monumental » et un titre d’album explicite qui symbolisent à merveille son refus de passer le reste de sa carrière à jouer Tommy. Le reste de la conception de la pochette échoue entre les mains du graphiste Kosh, assisté de Richard Evans, le designer attitré de The Who. Et oui, il y a une vie après l’opéra-rock et les stades de football s’ouvriront bientôt pour nos londoniens qui n’ont visiblement pas regretté la couverture de Who’s Next.

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