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Charles Gill , Poèmes, sa majesté le Saguenay et La Patrie

Le Poème du jour

Patrie

Patrie ! ô nom sacré, te comprenons-nous bien ? Ce n'est pas seulement tel espace de terre
Dont un traité brutal a fixé la frontière,
Qu'évoque pour nos coeurs ton sens magicien.
C'est plus que tout cela, Canadiens, la patrie !
C'est le bleu Saint-Laurent, c'est le noir Saguenay ;
C'est la sainte douleur d'un peuple abandonné,
Notre foi, notre histoire et sa chevalerie,
Le respect du passé, l'espoir en l'avenir ;
C'est l'honneur des vaincus dans la lutte inégale...
Champlain, Brébeuf, Montcalm, Frontenac et Lasalle !
La patrie, ô grands morts, c'est votre souvenir.






Me revoici, en espérant que votre boîte de courriels ne soit pas pleine!  Je veux vous entretenir aujourd'hui sur un poète québécois, nommé Charles Gill.

La première fois que j’ai vu le fjord du Saguenay, je fus émerveillé, j’aimerais vous faire partager un poème de Charles Gill qui décrit ce lieu majestueux.




Charles Gill 

Littérature québécoise
Charles Gill, la voix d'un Québec occulté

Lapierre, Michel
Voici le boulevard Saint-Laurent, à Montréal, en 1911. Charles Gill y observe une foule disparate, formée, selon lui, de gens «hostiles à notre étoile». Le Canada français est représenté là, précise-t-il, «surtout par ses prostituées de douze ans et ses jeunes ivrognes». La langue anglaise triomphe. «Écrivains canayens», auteurs sans public, il ne vous restera, pensera-t-il, qu'à signer «un Requiem» et à connaître au bordel «l'extase du verrat»!
Dès 1969, dans la première édition des lettres du poète et peintre Charles Gill (1871-1918), fils d'un juge et petit-fils du sénateur Louis-Adélard Senécal, magnat du chemin de fer, l'érudit Réginald Hamel savait qu'il avait déniché des documents exceptionnels. Les textes tranchaient brutalement avec le ton compassé de ce que l'on appelait, avant la Révolution tranquille, la littérature canadienne-française.
Malgré son patronyme britannique, Gill, natif de Sorel, se réclamait, en employant l'expression de l'époque, de «notre race». Son ancêtre paternel, un protestant de la colonie anglaise du Massachusetts fait prisonnier, dès l'enfance, par les Abénaquis, à la fin du XVIIe siècle, s'était assimilé à la société catholique de la Nouvelle-France.
Gravement malade, Hamel, historien de la littérature né en 1931, a tenu à publier, avec l'aide de sa femme Pierrette Méthé, une Nouvelle Correspondance de Gill. En réalité, il s'agit d'une édition, largement augmentée d'inédits et de savants commentaires, de l'ouvrage qu'il avait fait il y a presque 40 ans.
On ne peut douter de l'importance des lettres de Gill au poète Louis-Joseph Doucet qui, comme lui, a été membre de l'École littéraire de Montréal. On y lit: «Le destin nous a fait pousser comme un citron du nord dans un pays monstrueusement hostile aux arts et à la pensée.»
Les considérations sur le sort d'une littérature de langue française dans un Québec rongé par l'anglais, «langue des vainqueurs», auraient quelque chose de banal si, à l'instar du jésuite Joseph-Papin Archambault, fondateur à Montréal en 1913 d'une Ligue des droits du français, l'épistolier s'inspirait d'une religiosité catholique et nationale. À l'opposé, Gill manifeste un érotisme et un sans-gêne exacerbés.
«Nous sommes une race foutue», écrit-il en 1914 à Doucet. Ce qui doit s'interpréter au vieux sens littéral. La race, c'est la femme que le poète possède sexuellement, maîtresse ou, le plus souvent, prostituée. «Elle bande à la moindre alerte, raconte-t-il, elle bande du bouton et de toute la vulve, et des seins qui frémissent alors et dont l'extrémité se contracte.»
Gill a conçu le plan d'une épopée qui avait le Saint-Laurent pour cadre. Du vaste projet, il ne subsistera que des vers comme ceux-ci: «Le Cap Éternité fait dire à l'Océan / Qu'un empire effacé de la mémoire humaine / A rendu sa grandeur éphémère au néant.» Ce passage un peu ampoulé, la correspondance du poète le rend bouleversant.
La gloire que Gill visait, en rêvant d'un immense poème qui chante, avoue-t-il à Doucet, «ma patrie blessée à mort», ne se concrétise pas, car le projet échoue. Pour l'épistolier, il ne reste plus que «l'omnipotent cul». Cela lui permet d'écrire: «Homme perdu, j'ai recherché les filles perdues; désespéré, je me suis rapproché des désespérées.»
Dans le Québec d'autrefois, qu'une tradition tenace tient pour étranger au plaisir charnel, Gill a résisté à l'étouffement politique et culturel par la débauche au coeur d'une ville où, à ses yeux, «la prostitution côtoie le crime et l'hôpital». Est-ce si fou de croire, comme le poète l'insinue, que l'on doit ainsi lutter contre l'aliénation collective parce qu'elle porte en secret le nom physique et terrible de castration?
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Collaborateur du Devoir
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NOUVELLE CORRESPONDANCE
Charles Gill


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Sa majesté le Saguenay en mots…
Prenez le temps de le lire...

Aurore

Règne en paix sur le fleuve, ô solitude immense !
O vent, ne gronde pas ! Ô montagnes, dormez !
A l'heure où tout se tait sous les cieux blasphémés,
La voix de l'Infini parle à la conscience.

Entre ces deux géants dont le roc éternel,
Surgi du gouffre noir monte au gouffre du rêve,
La pensée ennoblie et plus grande s'élève
De l'abîme de l'âme à l'abîme du ciel.

Quel monde vois-je ici ! d'où vient la masse d'encre
Qui baigne sur ces bords le granit et le fer ?
Sur quelle nuit, sur quel néant, sur quel enfer
Frémit cette onde où l'homme en vain jetterait l'ancre ?

Du haut des sommets gris, l'ombre comme un linceul
Tombe sur la tristesse et sur la solitude ;
Mon cri trouble un instant la morne quiétude :
Dans l'ombre qui descend l'écho me répond seul.

Rien de ce qui bourdonne et rien de ce qui chante
Ou hurle, ne répond : ni le loup ni l'oiseau ;
Rien de ce qui gémit, pas même le roseau,
Ne répond en ces lieux que le mystère hante.

O Baie Éternité, j'aime tes sombres flots !
Ton insondable lit s'enfonce entre des rives
Dont les rochers dressés en cimes convulsives,
Gardent tragiquement l'empreinte du chaos.

Désormais, l'art m'attache au bord du fleuve abîme ;
Je le voudrais chanter dans mes vers, mais en vain
Je tente d'exprimer ce qu'il a de divin
Et d'infernalement effrayant et sublime.

Les accents que mon âme évoque avec effroi,
Expirent sur ma lèvre en proie à l'épouvante...
Ton esprit n'est pas loin de ce spectacle, ô Dante !
O Dante Alighieri ! ! mon maître, inspire-moi !

Poète des mots brefs et des grandes pensées,
Toi qui sais pénétrer les humaines douleurs
Et dans le Paradis cueillir les saintes fleurs,
Qu'au souffle de tes chants mes strophes soient bercées !

Apprends-moi comme il faut monter, le front serein,
Vers les sommets sacrés qui conduisent aux astres,
Et, le coeur abîmé dans la nuit des désastres,
Faire sur le granit sonner le vers d'airain !


Mais déjà l'aube terne aux teintes indécises
Révélait des détails au flanc du grand rocher ;
Je voyais peu à peu les formes s'ébaucher,
Et les contours saillir en lignes plus précises.
Bientôt le coloris de l'espace éthéré
Passa du gris à l'ambre et de l'ambre au bleu pâle ;
Les flots prirent les tons chatoyants de l'opale ;
L'Orient s'allumait à son foyer sacré.
Le gris matutinal en bas régnait encore,
Quand l'éblouissement glorieux de l'aurore
Embrasa le sommet du Cap Éternité
Qui tendait au salut du jour sa majesté.
Pendant que l'Infini se fleurissait de roses,
Les fulgurants rayons pour le sommet ont lui...
Et j'ai pensé, scrutant le sens profond des choses :
- " Le ciel aime les fronts qui s'approchent de lui ;
Pour les mieux embellir sa splendeur les embrase,
Chair ou granit, d'un feu triomphal et pareil :
Il donne aux uns l'éclat d'un astre à son réveil,
Aux autres la lumière auguste de l'extase ! "