Photo du jour
Citations du jour
Celui qui ne
dispose pas des 2/3 de sa journée pour soi est un esclave.
Friedrich Nietzsche
La question la plus stupide que puisse poser un
philosophe est «Qu’est-ce que la vie?».
Karl Popper
L’apprentissage de la lecture
et, à un moindre degré, celui de l’écriture, constituent les éléments majeurs
du développement intellectuel de l’individu. Cette expérience ne peut se
comparer à aucune autre, puisque très peu de gens se souviennent de ce qu’apprendre
à parler a signifié pour eux. Lecture, écriture et calcul, sont, je pense, les
seules choses essentielles qu’il faille apprendre à un enfant. Quelques enfants
n’ont même pas besoin qu’on les leur enseigne et les apprennent par eux-mêmes.
Tout le reste n’est qu’une question d’atmosphère et de connaissances acquises
par la lecture et la réflexion.
Karl Popper
Il n’existe pas de société
humaine sans conflit : une telle société ne serait pas une société d’amis
mais de fourmis. Et même si nous pouvions y arriver, des valeurs humaines de la plus haute importance disparaîtraient
dans sa réalisation et devraient donc prévenir toute tentative susceptible
d’amener celle-ci. D’un autre côté, il est bien sûr de notre devoir de contribuer à la réduction
des conflits.
Karl
Popper
Karl Popper est certainement le plus grand philosophe contemporain à vivre
encore parmi nous. Depuis plus de 60 ans, ses publications et ses conférences
ont bouleversé les méthodes de la recherche scientifique ; dans un tout
autre domaine, elles ont, pour la première fois, mis en évidence les origines
philosophiques communes du communisme et du fascisme ; enfin, elles ont
contribué de manière décisive à la renaissance
du libéralisme politique.
Plusieurs centaines de livres et de colloques ont été consacrés à Popper.
En France, son influence a été plus tardive; il n’a été traduit chez nous pour
la première fois qu’au début des années 60, grâce notamment à l’initiative de
ses amis le biologiste Jacques Monod et l’économiste Bertrand de Jouvenel.
Guy Sorman, à propos de Karl Popper en 1989
Toute personne qui est préparée à comparer sérieusement notre vie dans nos
démocraties occidentales libérales avec la vie dans d’autres sociétés sera
forcée de tomber d’accord que nous avons eu Europe et en Amérique du Nord, en
Australie et en Nouvelle-Zélande les sociétés les meilleures et le plus
équitables qui aient jamais existé dans le cours entier de l’histoire humaine.
Non seulement il y a très peu de gens qui souffrent intensément du manque de nourriture ou de
logement, mais il y a infiniment plus
d’opportunités offertes aux jeunes pour choisir leur propre avenir. Il y une
quantité de possibilités pour ceux qui souhaitent apprendre, et pour veux qui
désirent s’amuser de différentes manières. Mais peut-être la chose la plus
importante est-elle que nous sommes préparés à écouter la critique informée et
sommes certainement heureux si des suggestions raisonnables sont faites pour
l’amélioration de notre société.
Karl Popper
L’univers, nous paraît intuitivement relever de la causalité, d’un
enchaînement de causes et de conséquences, comme s’il s’agissait d’une horloge.
En réalité, il n’en est rien. Depuis la mécanique quantique de Broglie, nous
avons appris que nous vivons dans un univers de probabilités, un univers
créatif, non mécaniste, et qui est en expansion. Cet univers est donc fondé sur
des événements qui ont été guidés par certaines probabilités. Mais ces probabilités
sont en générale inégales : les probabilités deviennent des propensions,
les phénomènes ayant tendance à s’orienter spontanément dans une seule
direction. Donc Dieu joue bien aux dés, mais les dés sont lestés :
physique et métaphysique sont par conséquent indissociables.
Karl Popper
La démarche du savant doit
consister non pas à prouver le bien-fondé d’une théorie, mais à essayer de la
démolir, de multiplier les expériences susceptibles de démontrer qu’elle est
fausse. Ce n’est que si la théorie résiste à ces tests qu’elle peut être considérée
comme scientifiquement vraie – du moins jusqu’à la prochaine théorie qui la
remplacera dans la succession des mises à l’épreuve et des chasses aux erreurs.
Ainsi va la science. Seul a un caractère scientifique ce qui peut être
réfuté ; ce qui n’est pas réfutable relève de la magie et de la
mystique.
A partir de ce critère, Popper
classe dans les pseudo-sciences, dépourvues de toute base intellectuelle
sérieuse, aussi bien le marxisme que la psychanalyse. L’un comme l’autre sont
fondés sur le dogmatisme, puisqu’ils éliminent par définition toutes tentatives
vidant à les contredire. Les psychanalystes se débarrassent des objections en
les imputant au refoulement de celui qui les formule. De même, les marxistes
attribuent automatiquement la position d’un adversaire à ses préjugés de
classe : si vous dites ceci, c’est que vous êtes objectivement complice de
nos adversaires, donc vos arguments ne sont pas recevables…
Guy Sorman, à propos
de Karl Popper
La Forteresse Vide
Je me suis fait des fondations.
Je me suis fabriqué un château.
Je me suis emmuré.
J’ai utilisé des
cartes.
J’ai utilisé du sable.
J’ai utilisé des mots.
J’ai cru y voir le
troisième monde de Popper.
J’ai cru y voir
une certaine autonomie.
J’ai cru pouvoir m’y dissoudre.
Je me suis retrouvé éboueur.
Je me suis
retrouvé semeur.
Je me suis retrouvé
conteur.
Mon château de cartes s’est écroulé.
Mon château de sable est partie à la mer.
Les plans de construction se sont envolés.
Il me reste à tourner la page.
Il me reste à reculer dans le temps.
Il me reste seulement à oublier l’empreinte du temps.
La Mort
Je suis la mort.
J’ai plaidé coupable.
Je suis déjà condamné.
Mon personnage s’est inventé une mort certaine.
J’ai mon
laissez-passer.
Je connais déjà le verdict.
J’attends seulement l’heure.
J’attends le supplice.
Assis contre un arbre.
Assis depuis 40 ans.
Assis à écouter la mort.
Assis dans mon immobilisme.
L’humain croit en des chimères.
L’humain croit en lui.
Je crois en Cioran!
Je lutterai contre elle.
Je lui dirai non.
Je lui dessinerai
mon poing à la figure!
GG ALLIN
Le personnage s’en
prend à la foule.
Il devient une menace
pour son public.
Il se fait menacer à
son tour.
Les poings se
répercutent.
Le sang éclabousse.
La musique se restitue.
Suprématiste blanc.
Membre du KKK.
Homophobe dès la
première heure.
Des paroles qui
répercutent.
Des paroles qui éclaboussent.
Des paroles qui
restituent.
Un message du fond de
l’enfer.
Un message qui sent
l’effroi.
Un message de collabo.
Des mots qui accusent.
Des mots qui
incriminent.
Des mots qui récriminent.
Baptisé Jésus-Christ à la naissance.
Élevé par un
religieux fanatique.
Empêché de parler
après l’aube.
Physiquement abusé.
Retards
constatés à l’école.
Rebaptisé 6 ans plus tard.
Propagateur d’une
idéologie.
Arrêté 52 fois pour
indécence.
Mort d’une overdose
de vie.
Des
faits scientifiques
Le pourcentage des fruits et légumes contaminés
en Europe par des pesticides ?
50,9% des fruits et
légumes sont contaminés par des pesticides.
1,6% seraient à des doses aux limites maximales d’après l’analyse de
12168 échantillons par l’autorité européenne des aliments.
Sciences et avenir Avril 2013
No 794
Le nombre d’oiseaux tués par des chats aux
États-Unis ?
1,4 milliards,
estimation minimale du nombre d’oiseaux tués par des chats aux USA par an.
Parmi la population de 114 millions de chats américains, les coupables se
trouvent en grande majorité chez les 30 millions de chats errants.
Sciences et avenir Avril 2013
No 794
Quelle est la plus grande concentration
d’orignaux au Québec par kilomètre carré ?
(Cap-Chat) Avec 4,8 bêtes au kilomètre carré, la
réserve faunique de Matane affiche la plus forte concentration d'orignaux du
Québec.
Cyberpresse
Qu’est-ce qui distingue en grande partie les prouesses du cerveau humain de celles de l’ordinateur ?
Von Neumann a perçu les limites de l'analogie entre l'ordinateur et le
cerveau humain. Le mécanisme du cerveau est plus lent et plus sujet à l'erreur
que celui de l'ordinateur ; par contre, sa structure est plus complexe. Il met
en œuvres des processus parallèles, il analyse les signaux de façon statistique
(notamment en évaluant des corrélations), ce qui lui confère en fait une grande
rapidité et une grande fiabilité. En outre sa mémoire, qui utilise une grande
diversité de supports, semble pratiquement infinie même si notre mémoire
consciente est, à chaque moment, limitée.
L'héritage génétique nous aurait doté d'un automate naturel dont les
capacités sont différentes de celles d'un ordinateur ; notre cerveau lui est
supérieur pour certaines fonctions (interpréter, synthétiser, comprendre,
expliquer, décider), inférieur pour d'autres (classer et retrouver une
information, calculer, recopier, transcoder).
Michel VOLLE,
John von Neumann, The Computer and the Brain, Yale Nota Bene 2000
On parle beaucoup des pluies diluviennes qui se sont abattues dernièrement sur
Calgary. On va comparer des pommes avec
des pommes !
Villes
|
Périodes (Autour du)
|
Précipitations annuelles (mm de pluie)
|
Précipitations de pluie
recensées sur un court laps de temps
(mm de pluie)
|
|
Calgary
|
20 juin 2013
|
413
|
270
|
|
Chicoutimi
|
20 juillet 1996
|
950
|
275
|
|
Vidéos
du jour
Hubert Reeves, qui d’autre?
Extinction de masse en 2050 sur la terre selon
Hubert REEVES
Une
nouvelle façon, un peu macho, de jouer de la musique
Évolution
de la population mondiale
Un entretien intéressant avec un philosophe que j’admire…
Alain
Finkielkraut – Entretien
Ça donne une bonne idée de l’indice de démocratie qu’on peut
retrouver dans certains pays
The
World's Worst Place To be Gay
Un vidéo représentant peut-être le contribution la plus importante
de Karl Popper
La Philo En Petits Morceaux : Scientifique ou pas ?
Nul autre que le spectacle décadent de GG Allin, la folie montrée en
exergue…
Livre du jour : La Quête inachevée (Karl Popper)
Certains disent de
lui que c’est le plus important philosophe des sciences du vingtième siècle.
J’ai voulu avoir un avant perçu, en me plongeant dans son œuvre
autobiographique : La Quête inachevée. Je vous fais partager la rencontre de notre
auteur avec deux des plus grandes éminences du vingtième siècle.
En guise de préambule
voyons ce Mario Bunge peut penser de Karl Popper. Incidemment, j’ai parlé de
Mario Bunge dans le blogue précédent. Vous avez peut-être déjà oublié, vous
avez le droit, les gens s’arrêtent la plupart du temps aux citations! Pour les
âmes courageuses, poursuivons…
Mario Bunge sur
Karl Popper
Le philosophe le plus intelligent et le mieux informé qu’il m’ait été donné
de rencontrer, celui qui possède la plus vaste culture générale, c’est sans
conteste Karl Popper. Je suis entré en relation épistolaire avec lui en 1955,
après avoir lu son Open Society, qui
m’a vivement impressionné. Notre correspondance devait durer jusqu’au milieu des années 70. Elle s’est
interrompue à cause de nos profondes divergences au sujet des relations entre l’esprit
et le corps.
En 1958, nous nous sommes rencontrés personnellement au congrès
international de philosophie de Venise. Nous avons par la suite maintenu une
correspondance assez régulière, nous nous sommes rencontrés dans divers congrès
et, chaque fois que je suis allé en Angleterre, je lui ai rendu visite.
C’était un homme extrêmement intéressant, avec qui l’on pouvait parler
aussi bien de roman ou de théâtre que de musique. Il avait une grande
admiration pour Jane Austen, mais il se refusait à lire des romans
contemporains, ce qui n’est pas mon cas. Il ne voulait rien savoir non plus des
compositeurs postérieurs au romantisme. Il avait coutume de dire : «Mozart
me suffit !».
Je ne crois pas que la réfutabilité soit le critère de la scientificité. L’astrologie
a été réfutée par Saint-Augustin, mais cela ne la rend pas scientifique. Un savant
ne veut pas lui-même réfuter ses
hypothèses, ce serait antipsychologique. Il souhaite au contraire leur
confirmation. Qu’il cherche des contre-exemples, oui, j’en conviens. Mais c’est
seulement à regret qu’il reconnaît être dans l’erreur. Il vaut mieux employer
un terme neutre, ce que fait le scientifique, c’est simplement tester ses
théories. Si les résultats sont positifs, alors on peut embrasser l’hypothèse
en cause, du moins jusqu’à la plus ample informé. Même une réfutation n’est pas
nécessairement définitive.
Un autre point de divergence entre Popper et moi, c’est sa conception
individualiste de la société, bien qu’il ait d’abord été dans sa jeunesse un
socialiste d’inspiration marxiste. Son manque de sensibilité sociale se
manifeste par exemple dans sa doctrine selon laquelle la liberté est plus
important que l’égalité, alors que selon moi, la liberté ne peut exister qu’entre
égaux – sitôt que quelqu’un a plus de pouvoir (que ce soit économique politique ou culturel), il n’y a plus d’égalité,
les autres sont empêchés d’agir et la liberté est compromise. Pour moi, l’égalité
et liberté marchent de pair. Pas pour lui.
Un autre aspect regrettable, c’est que Popper s’est presque toujours
contenté de reprendre à son compte des idées qui avaient été inventées par d’autres.
Je pourrais encore ajouter que Popper se moque du souci de précision, qu’il
ignore complètement la psychologie physiologique et les sciences sociales
contemporaines, qu’il s’attache à la lettre morte des économistes
néoclassiques, et qu’il croit à la possibilité des actions à distance et même
la télépathie. Sa pensée n’est donc ni systématique, ni exacte, ni scientifique.
Mario Bunge, Une philosophie pour l’âge de la science Liber de vive
voix
Passage 1 : Rencontre
de Karl Popper avec Einstein
J’avais eu l’occasion de rencontre Einstein avant cet exposé, la première
fois grâce à Paul Oppenheim chez qui nous résidions. Le temps d’Einstein était
précieux et je n’aurais voulu à aucun prix en abuser ; malgré cela il
m’invita à revenir. Je le rencontrai 3 fois en tout ! Notre principal
sujet de conversation fut l’indéterminisme. Je tentai de le persuader qu’il
devrait abandonner son déterminisme, c’est-à-dire l’idée que le monde était un
bloc parménidien à 4 dimensions, dans le lequel le changement était une
illusion humaine, ou quelque chose de ce genre.
J’ai encore en mémoire quelques remarques cinglantes d’Einstein, à propos
de la théorie de la bombe atomique, qui, du point de vue d’un physicien, lui
paraissait être d’une grande banalité ; ce en quoi il me semblait aller un
peu trop loin si l’on se souvient que Rutherford avait pensé qu’il serait
impossible d’utiliser l’énergie atomique. Peut-être le ton de ses remarques était-il dû, en partie, à sa
désapprobation de la bombe et de tout ce qu’elle impliquait, mais il ne fait
aucun doute qu’il pensait bien ce qu’il disait, tout comme il ne fait aucun
doute qu’il avait fondamentalement raison.
Il est difficile de donner une idée de l’impression que produisait la
personnalité d’Einstein. La meilleure façon de l’exprimer consiste
peut-être à dire que l’on se sentait
immédiatement à l’aise avec lui. Il était impossible de ne pas lui faire
confiance, impossible de ne pas se fier implicitement à sa droiture, à sa
gentillesse, à son bon sens, à sa sagesse, à cette espèce de simplicité
enfantine qui était la sienne. Le fait qu’un homme aussi simple et détaché ait
pu non seulement survivre, mais être apprécié et honoré de la manière dont il
l’a été, est à porter au crédit de notre monde et de l’Amérique.
…
Passage 2 : Rencontre
de Karl Popper avec Ludwig Wittgenstein
Au début de l’année universitaire 1946-1947, je reçus une invitation du
secrétaire du Moral Sciences Club de Cambridge pour faire une communication à
propos de quelque «puzzle philosophique». Il était clair que la formulation
était de Wittgenstein et que, derrière elle, se cachait la thèse philosophique
qui était la sienne, selon laquelle il n’existe pas de véritable problème
philosophique mais seulement des «puzzles» linguistique. Étant donné que cette
thèse faisait partie de mes aversions favorites, je décidai de parler du sujet
suivant : «Y a-t-il des problèmes philosophiques ?» Je fis ma
communication le 26 octobre 1946, dans la salle de R.B. Braithwaite, à King’s College, et je
commençai en exprimant la surprise qui avait été la mienne d’être invité par le
secrétaire à faire une communication qui «énoncerait quelque ¨puzzle¨
philosophique». Je fis remarquer que, en niant implicitement l’existence des
problèmes philosophiques, la personne qui avait rédigé l’invitation prenait
parti, peut-être sans s’en douter, dans une controverse qui découlait d’un
problème philosophique réel.
Inutile de dire qu’il s’agissait là pour moi d’une introduction quelque peu
piquante et provocante de mon sujet. Mais à ce moment précis, Wittgenstein
bondit sur ses pieds et dit d’une voix forte, sur un ton qui me sembla celui de
la colère : «Le secrétaire a fait exactement ce qu’on lui a demandé. Il a
agi selon mes instructions.» Je ne tins aucun compte de cette intervention et
continuai ; mais, comme je devais m’en apercevoir, quelques-uns au moins
des admirateurs de Wittgenstein présents dans l’auditoire relevèrent l’intervention
et prirent ma remarque, qui n’était comme une plaisanterie, pour une critique
tout à fait sérieuse du secrétaire.
Je poursuivis, cependant, en disant que si, à mon avis, il n’avait pas
existé de véritable problème philosophique, je ne serais certainement pas
devenu philosophe. J’ajoutai que le fait que beaucoup de gens et même peut-être
tout le monde adoptent à la légère des solutions indéfendables en réponse à bon
nombre (sinon à tous) de problèmes
philosophiques constituait la seule justification valable pour devenir un
philosophe. Wittgenstein bondit à nouveau, m’interrompit, et s’étendit
longuement sur les «puzzles» et sur la non-existence des problèmes
philosophiques.
A un moment qui me parut approprié, je l’interrompis, lui soumettant une
liste de problèmes philosophiques que j’avais préparée à l’avance tels que :
La connaissance nous vient-elle par nos sens ? La connaissance est-elle
induite ? Wittgenstein écouta ces problèmes, disant qu’ils relevaient
davantage de la logique que de la philosophie. Je fis alors référence au problème
de savoir si des infinis potentiels ou même réels existaient, problème qu’il écarta
en disant qu’il était mathématique. Ce refus apparaît dans les minutes. Je
mentionnais alors les problèmes moraux et celui de la validité des règles
morales. Wittgenstein était assis près du feu et, depuis un certain temps, jouait
nerveusement ave un tisonnier dont il se servait parfois comme d’une baguette
de chef d’orchestre pour souligner ses affirmations : au moment où je
parlais de problèmes moraux il me mit au
défi : «Donnez-moi un exemple de règle morale !» Je répliquai :
«Ne pas menacer les conférenciers invités avec des tisonniers.» Sur quoi,
Wittgenstein, fou furieux, jeta le tisonnier au sol et sortit de la pièce comme
un ouragan, en claquant la porte derrière lui.
La réunion du Moral Sciences Club donna presque immédiatement naissance à
des histoires insensées. Après un laps de temps extraordinairement court, je reçus une lettre de Nouvelle-Zélande me
demandant s’il était vrai que Wittgenstein et moi nous étions battus, chacun
armé d’un tisonnier. Plus près de nous, les histoires étaient à peine moins exagérées.
Il faut attribuer cet incident en partie à mon habitude, chaque fois que je
suis invité à aller quelque part, d’essayer de développer quelques conséquences
de mes idées avec l’espoir qu’elles seront inacceptables pour le public
concerné. Car je pense que le seul prétexte qui justifie une conférence c’est
de défier l’auditoire. C’est en cela seulement que la parole peut-être
supérieure à l’écriture. C’est pourquoi j’avais choisi mon sujet comme de l’avais
fait. De plus la controverse avec Wittgenstein touchait des points
fondamentaux.
J’affirme qu’il y a des problèmes philosophiques ; et je prétends même
en avoir résolu un certain nombre. Cependant, comme je l’ai écrit quelque part,
«il n’est rien de moins désirable qu’un solution simple à un problème
philosophique éternel.» De nombreux philosophes, et en particulier,
semble-t-il, les wittgensteiniens, pensent que, si un problème trouve une
solution, c’est qu’il n’était pas de nature philosophique.
Livre du jour
Karl Popper
La Quête inachevée
Presses Pocket
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