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Citations du jour
Citations du jour
Il est regrettable que notre progrès en sciences sociales et morales n’ait pas été parallèle à celui des sciences naturelles.
Albert Einstein
La tâche principale de la philosophie, c’est d’analyser, d’approfondir et de systématiser nos idées les plus générales sur la réalité, sur la connaissance et sur la conduite humaine.
Mario Bunge
Les grandes questions philosophiques sont très difficiles, sans doute, mais surtout elles ne sont guères à la mode. Les gens croient, avec Wittgenstein, que la tâche du philosophe c’est simplement d’être un thérapeute du langage, qui se penche sur les mots, c’est-à–dire sur des micro-problèmes plutôt que des méga-problèmes. Les philosophes ont ainsi creusé leur propre tombe.
Mario Bunge
La généralité devait être le principal caractère de la philosophie. C’est plus ou moins l’idée que s’en faisaient Platon et Aristote. Le philosophe doit être un généraliste. Mais pour devenir un bon généraliste, il devrait étudier plusieurs spécialités, plutôt que la seule histoire de la philosophie.
Mario Bunge
Trop souvent, les philosophes actuels se montrent bornés. Ce sont des spécialistes de questions très étroites, comme «la définition chez Aristote». Pensez un peu : s’occuper toute sa vie de la définition chez Aristote ! Ce n’est pas intéressant, ça ne peut pas motiver un travail sérieux et profond. C’est bon pour faire un doctorat. Mais après la thèse, il faut que la vie commence, la vraie vie philosophique !
Mario Bunge
Il y a une quantité impressionnante de philosophes, depuis Descartes et jusqu’à Husserl, pour qui l’on doit commencer par la conscience, par la pensée et l’introspection, par la perception et les apparences phénoménales, par la vie subjective. C’est de la philosophie en chaise longue. Pas besoin d’ouvrir les fenêtres et de regarder le monde alentour. J’y vois un pensée sceptique et aseptique, qui n’exige pas qu’on se salisse les mains. C’est une voie complètement stérile, puisqu’elle ne se réfère pas à la réalité et ne saurait par conséquent nous aider à comprendre et à évaluer nos actions sur le réel, qu’elles soient techniques ou politiques. C’est de la philosophie purement subjectiviste, avec toutes les limitations que cela entraîne.
Mario Bunge
Je ne dirais pas que la raison vient de l’expérience. La raison telle que nous la concevons est une fille de la Grèce antique. Elle est née dans l’agora, des discussions des sophistes et des avocats, des philosophes et des mathématiciens. Ce n’est pas un accident qu’elle est apparue en Grèce plutôt qu’en Égypte ou à Sumer.
Elle va de pair avec la liberté d’expression et une certaine forme de démocratie. Mais ce n’est pas la société en tant que telle qui créé la raison, ce sont des individus, en fait, une petite poignée d’individus, certes en partie soutenus par certaines conditions sociales. Tout ce que peut la société, c’est favoriser ou décourager des processus cérébraux, mais les idées ne sont pas des processus sociaux.
Mario Bunge
Tout comme Jefferson, je crois que la vocation de l’État devrait être de faciliter l’accès du peuple à la poursuite du bonheur. D’ailleurs, c’était aussi l’opinion du vieil Aristote, qui était plutôt un interventionniste et non pas du tout un néo-libéral. Quoi qu’il soit, je suis profondément convaincu que nous avons besoin d’idées nouvelles, capables de réaliser la synthèse de ce qui est encore vivant dans le capitalisme et dans le socialisme. Malgré tout, les parties sociaux-démocrates restent évidemment les plus proches de cette perspective.
Mario Bunge
Vidéos et Conférences du jour
Quelle est l’institution financière la plus influente dans le monde ?
A quoi ressemble la répartition de la richesse aux États-Unis?
Est-ce que ce sont les gens riches qui créent le plus d’emplois aux États-Unis ?
Je trouve cette vidéo fascinante, pas vous?
Notre plus grand sociologue québécois nous fait un exercice sur la poésie. Il nous témoigne de sa propre évolution par rapport à cet art de manier les mots! Portez particulièrement attention à la richesse de sa langue…
Poésie
Vers 1970, pour un volume des Archives des lettres canadiennes-françaises, on me demanda de réfléchir sur les vicissitudes de la poésie dans ma vie. Je rappelais que la poésie avait été, pour moi comme pour d’autres, le langage nécessaire de l’adolescence; j’y avais vu aussi des exercices où je pensais capter le silence des gens du peuple dont j’étais le fils.
Par après, cette recherche m’est apparue sans avenir. Une méfiance envers les jeux de l’art s’est installée en moi. J’ai voulu me livrer tout entier à l’affrontement avec la culture, voulant à la fois l’assumer et la remettre en question. Je tâchais de me rassurer en me répétant que je faisais un métier d’homme : celui de la science et de la philosophie. La philosophie m’apparaissait comme une démission dans un monde qui récuse les idéaux, quitte à laisser fondre sur nous la nostalgie infinie de l’ailleurs.
Engagé dans un procès de la culture, c’est de ce procès lui-même que la hantise du poème a ressurgi. Sans doute parce qu’il y a une poésie de l’âge adulte bien différente de l’autre. Si le langage distille souvent le mensonge et l’injustice, il faut amorcer le futur de la parole, la fraternelle réunion des hommes où il n’y aurait pas d’autres tâches que de parler. Si la poésie est en porte-à-faux dans notre monde, ne serait-ce pas parque qu’elle préfigure un nouveau ? Amorcer, préfigurer seulement, car ce monde ne saurait être, en définitive, que l’œuvre de l’Autre qui nous a donné déjà nommés en vérité.
La tâche n’est pas d’ajouter la poésie à la prose, mais de faire que, derrière le vide que laisse la jonction perpétuelle des vocables, au cœur des réseaux multiples de la connaissance et de la critique, quelque chose reste à nommer encore : le dur noyau de l’Être. La prose est une conquête ; pour la poésie, la vérité est tout entière dans un cheminement et on n’y étreint que des promesses. Elle raconte que nous mourrons lentement d’attendre une certaine vérité, une certaine joie, une certaine proportion du monde qui serait justice. Elle pressent derrière le monde le silence qui le fonde. C’est pourquoi les poèmes ont besoin de la complicité de l’enfance, de l’arbre et de la mort pour refluer vers l’origine du premier désir.
J’ai cherché progressivement la voie du poème dans le plus simple écrit : thématique qui soutient les paroles familières et les théories si belles en leur pâleur abstraite. N’est-ce point là le lieu du professeur ? Métier qui s’est toujours présenté avec la prétention de la prose mais qui s’approche du poème à mesure que la technique envahit les autres métiers. Et puis, la poésie est indispensable pour que la science rejoigne les raisons de vivre, pour que les bibliothèques aveugles et sinistres s’animent. Pour qu’à de certains instants, solitaires ceux-là, la parole change tous ces papiers épars en ces feuilles d’automne qui bruissent à ma porte. De cette manière, le poème peut entrevoir son avenir. Et espérer pour un jour plus lointain, sa mort paisible et notre salut.
J’aime beaucoup Laurent-Michel Vacher, un philosophe français qui avait émigré au Canada… Je parlais un jour avec un libraire, il m’avait mentionné que ce qui faisait sa force, c’est sa capacité de vulgariser. Je vous laisse découvrir en filigrane dans une série d’entretiens la pensée de Mario Bunge interrogé par Laurent-Michel Vacher.
Livre du jour : Laurent-Michel Vacher Entretiens avec Mario Bunge UNE PHILOSOPHIE POUR L’ÂGE DE LA SCIENCE
En Europe occidental, seul endroit où il soit réellement une force politique significative, ce courant (les mouvements sociaux-démocrates) a été victime de son propre succès. En fin de compte, l’État-providence a été en bonne partie une création de ce socialisme. Mais puisqu’il n’y a plus de grandes revendications, le besoin de voter socialiste tend à s’estomper.
Une autre cause majeure de la crise du socialisme, c’est le manque total d’idées nouvelles. Ces partis, à cause de leur désir de se maintenir au pouvoir, se sont transformés en simples machines électorales prêtes à n’importe quel compromis. C’est évident par exemple dans le cas des parties socialistes français et espagnol.
Il s’est produit un changement culturel d’importance avec l’avènement des moyens de communication de masse. Si vous êtes au chômage mais que vous pouvez passer 10 heures par jour à regarder la télévision, qui va vous attirer à descendre dans la rue pour vous joindre à une manifestation ? Vous restez chez vous avec un petit revenu qui suffit à vous assurer au moins une subsistance minimale. Dans une certaine mesure, on pourrait soutenir que le téléviseur a contribué à tuer les mouvements sociaux. Tout conduit à la passivité, y compris bien sûr les sports de masse.
C’est toujours le vieux truc des Romains, parem et circenses, mais en plus perfectionné : maintenant il y le pain, le stade, et par surcroît le téléviseur Tout cela maintient le prolétariat à sa place, d’autant qu’il n’est plus la principale classe progressiste, au contraire : il est partout devenu majoritairement conservateur. Rappelez-vous qu’au moment de la guerre du Viêt-Nam, ce sont les syndicats ouvriers qui sont descendus dans la rue aux États-Unis pour réclamer la poursuite des hostilités, afin de préserver les emplois dans la construction et ailleurs!
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Je crois que tous ceux qui veulent un monde meilleur sont des utopistes, parce qu’ils envisagent la possibilité d’une société différente, qui n’existe pas encore. Ils ont en tête un plan en vue d’une amélioration de la vie sociale. Les utilitaristes ont été des utopistes, les socialistes aussi, même si malheureusement l’utopie socialiste n‘est pas réalisée.
Je suis convaincu que l’utopie est indispensable. La lutte contre l’utopisme, menée d’ailleurs principalement par les marxistes, a été désastreuse : ils n’ont pas tracé de plans précis pour la société future, ils ont cru que la communauté nouvelle viendrait automatiquement, que ce serait un jeu d’enfant de faire surgir l’homme nouveau aussitôt que le capitalisme disparaîtrait.
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La religion a toujours rempli plusieurs rôles. L’un d’eux, bien entendu, c’est de procurer un petit peu de sécurité affective à tous ceux qui se sentent angoissés. Un second, c’est d’être une bannière qui recouvre des intérêts ou des mouvements politiques.
Quoi qu’il en soit, on doit partir de la constatation que les croyances religieuses n’ont pas de validité cognitive, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas vraies. Il existe une incompatibilité entre religion d’une part, science et technique de l’autre – et aussi philosophie rationnelle. C’est d’ailleurs pourquoi les bons théologiens tentent systématiquement de les séparer. Ils disent qu’il ne saurait y avoir d’incompatibilité, puisqu’il s’agirait selon eux de domaines –parallèles et incommensurables. Ils reconnaissent, par exemple, qu’on ne peut pas démontrer l’existence de Dieu, mais ils ajoutent aussitôt qu’il n’y a pas besoin de preuves, que c’est une question de grâce, d’illumination ou de foi.
En pratique, la religion a presque toujours entravé le progrès, pas seulement celui de la culture mais aussi le progrès social. Ainsi, ce n’est qu’à la fin du XIX ième siècle que l’Église catholique a finalement affronté le problème de l’injustice sociale avec Léon XIII et a commencé à faire une certaine concurrence aux partis socialistes. Auparavant, elle s’était toujours ralliée aux puissants.
Aujourd’hui encore, ce n’est que dans un petit nombre de pays que l’Église catholique se range plutôt du côté des pauvres, ce qui se traduit d’ailleurs par des tensions larvées entre les jésuites d’Amérique centrale et le Vatican. Au Canada, l’Église catholique a adopté des positions sociales nettement à gauche, faisant une critique très justifiée des politiques économiques de nos gouvernements, tant libéraux que conservateurs.
Il est tout intéressant de voir qu’au XVIIe siècle plusieurs savants protestants ont argué qu’il était bon de faire de la recherche scientifique ad majorem gloriam Dei, puisque étudier la nature était une manière de mieux connaître l’œuvre de Dieu, tandis que du côté catholique on persécutait fréquemment la recherche scientifique. Cela montre, encore une fois, les ambiguïtés de toute religion, à laquelle on peut faire dire ce que l’on veut.
Livre du jour : Laurent-Michel Vacher
Entretiens avec Mario Bunge
UNE PHILOSOPHIE POUR L’ÂGE DE LA SCIENCE
aux éditions LIBER
de vive voix
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